Seydou Elimane Diarra

Premier ministre de Côte d’Ivoire

Publié le 13 avril 2004 Lecture : 4 minutes.

On dit de lui qu’il est un homme de dialogue et non de caractère. Mais Seydou Elimane Diarra, 71 ans, se révèle un Sisyphe. Parviendra-t-il à sortir son pays de la énième crise, la plus sérieuse depuis sa nomination à la tête du gouvernement, en janvier 2003 ?

Jeune Afrique/l’intelligent : Comment réagissez-vous aux exactions qui ont eu lieu lors des opérations de maintien de l’ordre du 25 mars ?
Seydou Elimane Diarra : Je l’ai dit et je le répète : je déplore fortement ces événements dramatiques et choquants. Il y a eu trop de morts et de sang versé en Côte d’Ivoire. Cette situation ne peut plus durer. Mais le gouvernement n’a jamais donné instruction aux forces de l’ordre de tirer. Nous avons demandé aux Nations unies de mener une enquête qui permettra d’évaluer le nombre de morts, d’identifier les auteurs et les commanditaires de ces crimes et de les traduire devant les juridictions adéquates.
J.A.I. : Vous avez dénoncé les exactions d’« organisations informelles parallèles ». Quelles sont-elles ?
S.E.D. : Je ne peux pas vous le dire. L’enquête permettra de les identifier.
J.A.I. : Tous les Abidjanais disent que ces organisations parallèles sont les Forces patriotiques…
S.E.D. : J’attends les résultats des enquêtes avant de me prononcer. Je ne sais pas qui appartient à ces forces parallèles. Qui les a montées, qui les a structurées, qui les arme.
J.A.I. : N’y a-t-il pas au Palais, dans l’entourage du président, des conseillers qui ont davantage de pouvoir que certains de vos ministres ?
S.E.D. : Ce serait trop grave. Je n’ose le croire.
J.A.I. : N’est-il pas nécessaire de faire le ménage dans l’entourage du chef de l’État et parmi ses conseillers ?
S.E.D. : Je m’occupe de mon gouvernement, le président a la liberté de choisir ses conseillers et d’apprécier leur qualité. Je ne peux croire que des conseillers outrepassent leur rôle. Si c’était le cas, je l’aurais déjà dénoncé.
J.A.I. : Certains observateurs demandent que Bertin Kadet n’occupe plus ses fonctions de conseiller en matière de sécurité et de défense…
S.E.D. : Je ne connais pas Bertin Kadet.
J.A.I. : Beaucoup s’inquiètent de la présence de ce monsieur dans l’entourage du président…
S.E.D. : Bertin Kadet n’est pas membre du gouvernement, il n’agit pas en tant que responsable des forces de défense et de sécurité. J’ai eu à m’entretenir de ce sujet avec le chef de l’État.
J.A.I. : Que vous a-t-il répondu ?
S.E.D. : Il est d’accord avec moi : Bertin Kadet n’est ni membre du gouvernement ni porte- parole en ce qui concerne les questions de défense et de sécurité.
J.A.I. : Avez-vous pensé démissionner depuis le 25 mars ?
S.E.D. : Ça m’a trotté dans la tête. Mais je ne peux pas laisser la Côte d’Ivoire à la dérive.
J.A.I. : Un compromis est-il possible entre le chef de l’État, qui ne veut pas réformer tant que les Forces nouvelles n’auront pas désarmé, et les Forces nouvelles, qui ne veulent pas désarmer tant que le chef de l’État n’aura pas réformé ?
S.E.D. : J’ai le pied sur deux pédales. Je dois gérer ces dossiers – le désarmement et l’adoption des projets de loi déjà approuvés par le Conseil des ministres – de façon concomitante.
J.A.I. : C’est-à-dire une première réforme, un premier début de désarmement ?
S.E.D. : Ce n’est pas aussi mécanique, mais il faut jouer sur les deux pédales pour que nous puissions sortir de la crise.
J.A.I. : Apparemment vous n’y êtes pas arrivé car, pour l’instant, c’est le blocage total…
S.E.D. : Ce n’est pas fini. Je pense encore disposer d’une marge de manoeuvre.
J.A.I. : Le comité de suivi ne pourrait-il pas vous aider davantage ?
S.E.D. : Je fais mon travail comme chef de gouvernement, le comité de suivi fait son travail aussi.
J.A.I. : N’est-il pas un peu trop en retrait ?
S.E.D. : Je ne peux porter de jugement sur le travail du comité de suivi.
J.A.I. : Pensez-vous qu’il faudrait éventuellement changer son président, le Béninois Albert Tévoédjrè ?
S.E.D. : Ce n’est pas à moi de décider.
J.A.I. : Serez-vous en mesure de respecter le calendrier électoral et la tenue d’élections en octobre 2005 ?
S.E.D. : J’ai dit que je disposais encore d’une marge dans mon chronogramme, mais il ne faut pas que la situation actuelle se prolonge. Dans un mois au plus tard, il faudra avoir trouvé une solution pour se mettre au travail.
J.A.I. : Cela irait plus vite par un vote à l’Assemblée plutôt que par un référendum. Quel est votre choix ?
S.E.D. : Il faut respecter l’accord.
J.A.I. : Cela veut dire qu’il n’y aura pas de référendum ?
S.E.D. : Il y a un référendum prévu pour l’article 35 sur les conditions d’éligibilité.
J.A.I. : C’est le seul point de Marcoussis sur lequel il peut y avoir un référendum ?
S.E.D. : C’est ma position personnelle. J’insiste en tant que chef du gouvernement issu de l’accord de Marcoussis, et cela pour le bien-être de la Côte d’Ivoire.
J.A.I. : C’est un point sur lequel vous êtes en désaccord avec le chef de l’État ?
S.E.D. : Je ne suis pas en désaccord avec lui, je dialogue avec lui sur cette question. Vous savez, je n’ai rien à perdre ni à gagner. Je suis simplement très persévérant. Le président Houphouët disait que « l’eau de pluie qui tombe sur une roche finit par percer la roche ».

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