Dans « Ranavalona », l’Ougandaise Awori rappe l’exil et la résistance

Dans son premier album « Ranavalona », dédié à la dernière reine malgache, l’artiste ougandaise Awori chante le déracinement et les violences étatiques.

Awori est née à Kampala, en Ouganda © Nathyfa Michel

Awori est née à Kampala, en Ouganda © Nathyfa Michel

eva sauphie

Publié le 15 mars 2021 Lecture : 2 minutes.

La voix est douce et suave, même lorsqu’elle rappe. Pourtant, c’est bien un appel à la résilience qu’Awori lance sur Ranavalona, son premier album distribué par le label Galant record. Née un 8 mars, journée internationale des droits de la femme, la chanteuse de 32 ans invoque le souvenir de la dernière souveraine de Madagascar ayant régné jusqu’au milieu du 19e siècle.

« Nous ne parlons pas assez de cette figure de résistance, contrainte à l’exil au moment de la colonisation française. Son histoire fait aussi écho à celle de l’immigration contrainte que nos peuples subissent encore aujourd’hui partout en Afrique », décrypte cette chanteuse née à Kampala, en Ouganda.

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Nostalgie du pays

Elle-même a dû quitter son pays à l’âge de 11 ans, lorsque ses parents décident de s’installer en Suisse, dans l’espoir de trouver un meilleur avenir économique. « Quand je suis arrivée là-bas, je ne parlais pas du tout le français. Il a fallu que je m’adapte et que je comprenne les codes sociaux », se souvient l’artiste biberonnée aux sons de Miriam Makeba, autre figure de l’exil.

Sur plusieurs de ses morceaux, Awori a tenu à chanter en luganda, la langue de sa mère. Un gage d’appartenance culturelle essentiel pour celle qui vit aujourd’hui entre Genève, Paris et Lyon. Elle évoque ainsi le déracinement et la nostalgie du pays sur « Nkomawo », qui signifie « Je reviens ».

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Mais la chanteuse, qui a grandi aux rythmes de la rumba congolaise, du hip-hop et du R&B, reste connectée à la perle de l’Afrique. L’un de ses titres, « Cortex Luxta », a d’ailleurs été diffusé au festival ougandais Nyege Nyege, l’un des plus gros rassemblements électro d’Afrique de l’Est. « Je rêverais de m’y produire un jour », espère celle qui doit pour le moment défendre son projet en version numérique à cause de la pandémie mondiale.

Inspirée par Bobi Wine

Derrière les beats électro-soul que l’on doit au producteur français Twani, Awori chante aussi les injustices, les violences étatiques et policières dont sont victimes les Afropéens comme les Africains. « Le titre “Viscera” est un appel à agir et à comprendre notre pouvoir collectif. Car l’éveil ne viendra pas de nos dirigeants mais bien du peuple », assure la jeune femme, convaincue de l’impact de la musique engagée sur les populations.

Bobi Wine a toujours été du côté du peuple. Mais il paie ses prises de positions »

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Elle est d’ailleurs une fervente admiratrice de Bobi Wine, chanteur et leader de l’opposition ougandaise. « Bobi Wine, comme le mythique groupe ougandais Afrigo Band avant lui, font partie de cette lignée d’artistes militants qui font passer des messages politiques par le biais de la musique. Il connait la réalité des bidonvilles et des pauvres de Kampala et a toujours été du côté du peuple. Mais il paie aujourd’hui ses prises de positions et subit des répressions policières sans fin », déplore-t-elle, consciente d’avoir, elle, l’opportunité de s’exprimer en raison de son éloignement géographique.

Pour autant, Awori sait que son public se trouve ailleurs, notamment dans le monde anglo-saxon. La couleur de son album, majoritairement écrit en anglais, puise aussi dans le dub et le grime britanniques. « Mais une grosse communauté ougandaise est installée en Angleterre, rappelle-t-elle, et j’ai bon espoir d’aller à la rencontre de ce public-là. »

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