L’aventure des « Sénefs » du hand

Depuis huit ans, l’équipe nationale n’existait plus. Totalement reconstruite, elle ambitionne de se qualifier pour les Championnats du monde de 2005.

Publié le 13 avril 2004 Lecture : 3 minutes.

Forcément, il a été surpris quand on l’a contacté pour intégrer l’équipe nationale du Sénégal. Yérime Sylla, handballeur professionnel évoluant dans l’équipe de Pontault-Combault, en première division française, avait tout de même 33 ans, un âge assez avancé pour une première sélection. Surtout, il ne connaissait pas l’équipe, et pour cause, elle n’existait plus depuis huit ans. Mais cet homme de père sénégalais et de mère française n’a pas douté une seconde : « J’étais ravi, j’ai accepté immédiatement. » Un an plus tard, le voici parmi les cadres de cette jeune équipe dont le rêve pourrait prendre corps au Championnat d’Afrique des nations, qui se tient du 8 au 19 avril en Égypte : s’emparer de l’une des quatre premières places et être ainsi la première équipe sénégalaise à se qualifier pour les championnats du monde de handball. Sylla est l’un des nombreux « Sénefs », ces Sénégalais émigrés ou nés en France, rappelés par le sélectionneur, Souleymane Dia, lui-même ancien professeur de sport et entraîneur de handball dans la ville normande du Havre.
« C’est le niveau de jeu qui me préoccupait avant tout, je n’ai donc pas hésité à aller chercher des joueurs exilés. Je connaissais la manière de fonctionner des Sénégalais, je savais que cela ne poserait pas de problème. Le brillant parcours des footballeurs en Coupe du monde nous a aussi mis la puce à l’oreille », explique le « coach », qui a dû se livrer à un véritable travail de fourmi une fois acceptée la délicate mission de bâtir cette équipe à partir de rien : activer son réseau et éplucher les listes de joueurs des championnats de handball, en Europe et au-delà. Les portables ont chauffé, très peu de joueurs ont refusé. « Cela me permet de retrouver une partie de moi-même que je ne connais pas », confie Yérime Sylla, qui a passé sa toute petite enfance au pays mais n’y est jamais retourné depuis. « C’est le pays de mes parents, mes origines, et j’en suis très fier », lance Ibrahima Diallo, le gardien, né il y a dix-huit ans en Normandie. L’entraîneur sait jouer sur cet aspect patriotique : « Il y a une certaine nostalgie chez ceux qui sont loin de leur pays qui semble les motiver encore plus. »
Et tant pis si tous ne connaissent pas forcément très bien les terres de leurs parents. Sur le terrain, les joueurs se parlent en français et non en wolof, l’autre langue nationale. « On est tous francophones, rappelle Souleymane Dia. C’est plus facile de communiquer ainsi, par rapport à ceux qui n’ont jamais vécu au pays. » « Quand les autres blaguent en wolof, ils nous traduisent ensuite », assure, les yeux rieurs, « Ibou » Diallo. Olivier Coly, l’arrière de Bordeaux (division 2), ne comprend lui aussi que le français. Mais son sourire et son bras droit dévastateur parlent pour lui auprès de ses coéquipiers.
L’effectif ne se retrouve au complet que lors des stages avant les grandes compétitions : le championnat d’Afrique 2002 au Maroc (9e place) et les jeux Africains 2003 (4e place). Avec, dans l’intervalle, un tournoi d’été victorieux, sur herbe, à Blangy, en Normandie, qui a beaucoup fait pour la cohésion du groupe. Les « Sénefs » de l’équipe restent en contact et se retrouvent quelquefois en région parisienne, histoire d’entretenir la bonne ambiance et l’esprit de groupe.
Un élément essentiel lorsqu’il s’agira de vivre deux semaines en vase clos en Égypte, face à l’enchaînement des matchs et à la pression du résultat. Souleymane Dia a ainsi tenu à écarter un joueur évoluant dans un club tunisien, très talentueux mais qui posait un problème de comportement. Les autres avancent sans crainte. « Le plus difficile, c’est en fait de marier les cultures de jeu sur le terrain, analyse Ibrahima Sall, joueur de Nationale 1 française [niveau 3] à Tremblay-en-France, en Seine-Saint-Denis. Entre les locaux, les « Français », ceux qui évoluent au Maghreb [Tunisie] ou dans un pays arabe [Arabie saoudite], et un autre qui joue en Italie, on joue tous des handballs différents ! » Pas évident non plus de réunir tous ces expatriés : lors du stage de préparation en Île-de-France, les sélectionnés sont arrivés au compte-gouttes. Mais les Sénefs y croient dur comme fer. Ils le veulent, ce voyage en Tunisie pour les championnats du monde 2005. « Ce n’est pas évident d’exister dans notre pays derrière le foot et le basket, d’autant qu’on manque cruellement d’infrastructures, note Souleymane Dia. Mais si ça se passe bien sur le terrain, on peut vivre une très belle histoire. »

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