Ballaké Sissoko, héros très discret de la kora

Le virtuose malien livre un nouvel album, Djourou, dans lequel il convoque huit invités. Un exercice subtil où le maître s’efface pour mieux faire briller la kora et l’ancrer dans la modernité.

Ballaké Sissoko, musicien malien, joueur de kora,  issu d’une famille de « djéli ». Pour son nouvel album Djourou. A Paris, le 8 mars 2021. © Claire Delfino pour JA

Ballaké Sissoko, musicien malien, joueur de kora, issu d’une famille de « djéli ». Pour son nouvel album Djourou. A Paris, le 8 mars 2021. © Claire Delfino pour JA

leo_pajon

Publié le 27 mars 2021 Lecture : 6 minutes.

Comme un justicier, Ballaké Sissoko ne sort de chez lui que lorsque le soleil commence à décliner. Vers 18 heures, on le voit, casquette vissée sur le crâne, s’asseoir devant sa grande concession familiale, dans l’un de ces fauteuils en plastique au siège infiniment bas, touchant presque la poussière rouge qui tapisse la rue 666 du paisible quartier de Ntomikorobougou. L’endroit, aux pieds de la colline présidentielle, et face à la grande caserne de la ville, a pour nom « cité des sportifs » : l’État y offrit des terrains, dans les années 1970, à de nombreux footballeurs mais aussi de grands musiciens, dont Djelimady Sissoko, le père de Ballaké, fondateur de l’ensemble instrumental national du Mali. Pendant trois heures, au moins, quotidiennement, les longs doigts du musicien de 53 ans virevoltent sur la kora, tandis qu’autour de lui visiteurs et amis prennent le thé, bavardent, les bêtes ponctuant les improvisations de quelques bêlements et caquètements.

La scène est si routinière, l’atmosphère tellement bon enfant, qu’on en oublierait presque que l’homme qui joue ici, héritier d’une prestigieuse lignée de djélis (équivalents mandingues des griots), intégra l’ensemble instrumental de son père à seulement 13 ans avant de devenir un maître, parcourant les scènes du monde entier et donnant un nouveau souffle à la kora. Dans les albums Chamber Music (2009) et Musique de nuit (2015), notamment, il a entamé un dialogue subtil avec le violoncelliste français Vincent Segal. Pour le projet 3MA, il a également conversé avec le oud arabe de Driss El Maloumi et la valiha malgache de Rajery. Le nouveau défi qu’il s’est lancé sur le label No Format est encore plus ambitieux : créer un disque, Djourou, qui convoque pas moins de huit invités, aux styles tous différents. « La kora est née en Afrique, mais elle peut voyager partout, résume Ballaké Sissoko dans les bureaux de son label parisien. Je voulais inviter des amis, partager des idées, sans pression. »

Bien s’informer, mieux décider

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