Afrique du Sud : les racines du mal
« Proud to be South African. » À peine arrivé à Johannesburg, vous ne pouvez manquer ce slogan phare de la nouvelle Afrique du Sud, qui enfouit loin dans l’inconscient collectif le climat qui régnait ici il y a dix ans. À l’époque, la majorité noire s’emparait du pouvoir en emportant près des deux tiers des suffrages. Suscitant, au passage, de véritables peurs au sein de la communauté blanche, qui contrôlait 90 % des richesses, alors que nombre de pseudo-experts pariaient sur l’éclatement du pays, quand ils n’annonçaient pas une « inévitable guerre civile ».
Une décennie plus tard, le bilan est des plus complexe. Avec ses 43 millions d’habitants, la première puissance économique du continent génère toujours un Produit intérieur brut de 130 milliards de dollars. Ce pays représente à lui seul 45 % du PIB global de l’Afrique subsaharienne, mais la distribution des richesses est toujours aussi inégalitaire. Certes, une (petite) place a été faite à la nouvelle classe moyenne noire, et l’on voit parader les nouveaux tycoons (Motsepe, Ramaphosa, Ncube, Sexwale, Khoza ou Molobi). Selon la banque française Crédit agricole, « l’Afrique du Sud demeure à ce jour l’un des pays au monde où les inégalités sont les plus criantes, et où 45 % de la population vit encore dans des conditions d’indigence. Un cinquième des Sud-Africains n’absorbe que 3 % de la consommation totale. Et l’essentiel des actifs économiques, financiers et fonciers demeure entre les mains de la communauté blanche. »
« L’un de nos problèmes majeurs, reconnaît S’Bu Mngadi, le patron de l’opérateur Cell C, c’est le manque de personnel noir qualifié ; le pays doit absolument combler le retard en la matière. Le rattrapage social se fera sur la durée. » Aujourd’hui, et malgré des progrès notables, le taux de scolarisation des Noirs en fin de cycle primaire n’est que de 30 %. Les autres, ils sont légion, vont rejoindre la cohorte des chômeurs. Car l’une des énigmes de l’économie sud-africaine, c’est le peu d’emplois qu’elle crée : le chômage – qui a fait un bond de + 6,4 % entre 1994 et 2001 – frappe plus de 40 % de la population active, et les Noirs constituent 87 % des sans-emploi.
« Les racines de ce pays renvoient à une violence inouïe, affirme Charles Oleakaham, homme d’affaires en vue de Sandton. Il est illusoire de croire qu’en une décennie on peut effacer le travail de sape qui a été fait pendant plus d’un siècle, et, pour espérer réconcilier durablement les communautés, il faudra attendre au moins trois ou quatre générations. D’ici là, il faut tenir, rassurer et avancer à un rythme qui ne fasse pas imploser le travail déjà accompli. »
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