[Chronique] Afrique–États-Unis : Joe Biden, ce va-t-en-paix
Dans son premier grand discours en tant que secrétaire d’État américain, Antony Blinken a fixé les limites de l’interventionnisme made in US. Même titillés, les chefs d’État africains pourront dormir tranquilles…
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 16 mars 2021 Lecture : 2 minutes.
« Nous n’allons pas tenter de renverser des régimes par la force. » Est-il encore nécessaire qu’un secrétaire d’État américain précise que le dirigeant d’une nation souveraine n’est pas autorisé à renverser celui d’une autre nation souveraine ? Le premier grand discours de politique étrangère du frais émoulu Antony Blinken, chef de la diplomatie de Joe Biden, a le mérite d’être honnête…
Purs produits de la CIA
Si les précédentes administrations américaines noyaient le poisson des interventions « déboulonnantes » dans un fleuve de discours ambigus, les historiens savent que les États-Unis ont déchu le président haïtien Jean-Bertrand Aristide en 2004, après l’avoir installé, en 1994, au cours de l’opération Uphold Democracy. Sans parler de chutes de dictateurs indirectement induites de pressions militaires made in US – comme celle de l’Irakien Saddam Hussein –, les renversements du président panaméen Manuel Noriega, en 1989, ou du Premier ministre iranien Mohammad Mossadegh, en 1953, étaient des purs produits de la CIA…
Le discours programmatique d’Antony Blinken n’a tout de même pas versé dans la repentance, le secrétaire d’État ayant évoqué les « bonnes intentions » des « tactiques du passé ». Il reste à espérer que cette honnêteté inédite soit, a minima, le signe annonciateur d’une certaine transparence dans le compte-rendu des activités militaires américaines à travers le monde.
Car l’armée des États-Unis continuera d’intervenir ponctuellement, quand le régime Biden le jugera nécessaire, sur les théâtres d’action humanitaire ou de guerre contre le terrorisme, comme ces vingt dernières années en Irak, en Syrie, en Afghanistan, en Libye, en Somalie ou aux Philippines.
L’Afrique, peu concernée
Voilà donc une nouvelle administration radicalement différente de la précédente en ce qu’elle juge impérieuse la nécessité de réinvestir les institutions multilatérales mais quelque peu parente de celle de Trump dans sa conviction que les États-Unis n’ont pas vocation à être les gendarmes du monde.
Ceci dit, méprisée par le chef de l’État milliardaire ou respectée par l’ancien vice-président de Barack Obama, l’Afrique est censément peu concernée par les coups d’État à l’américaine. Là aussi, l’alternance démocratique n’a pas modifié la liste des États qui préoccupent prioritairement le Nouveau Monde. « Plusieurs pays représentent des défis importants pour nous, dont la Russie, l’Iran ou la Corée du Nord », a déclaré Antony Blinken.
La Chine, « plus grand défi géopolitique du XXIe siècle »
Le secrétaire d’État a surtout insisté sur la compétition avec la Chine, qualifiée de « plus grand défi géopolitique du XXIe siècle ». Mais si l’Afrique est l’un des terrains de jeu de cette influence grandissante, il est illusoire de penser que l’oncle Sam se préoccupera outre-mesure du troisième mandat illégitime de tel ou tel autocrate, même si celui-ci bénéficie de la cécité de Pékin en matière de droits humains.
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