Les ennuis commencent

Le prochain président, quel qu’il soit, sera confronté à un certain nombre de « chantiers » urgents.

Publié le 13 mars 2007 Lecture : 3 minutes.

Fermez la parenthèse. La fin de la « transition démocratique », qui sera effective après l’investiture du nouveau chef de l’État, dans la seconde quinzaine du mois d’avril, marque aussi pour les dirigeants mauritaniens la fin de l’état de grâce. Au cours des dix-neuf derniers mois, le pays s’est bercé d’espoirs et de promesses d’une ère nouvelle dont les maîtres mots seraient : démocratie, justice, croissance économique Le temps du rêve s’achève, celui de l’action commence. Suspendu depuis le 3 août 2005, le Parlement reprendra théoriquement ses travaux une semaine après l’investiture présidentielle. Construction de l’État de droit, partage des richesses, amélioration des services publics, lutte contre le clientélisme Les chantiers ne manquent pas.
Les dix-neuf candidats à la présidentielle du 11 mars ont tous fait de l’unité nationale leur priorité. Les Négro-Mauritaniens, dont il est impossible d’évaluer le nombre avec précision (les métis sont nombreux, et les recensements « ethniques » interdits), sont les premiers destinataires de cet engagement. Depuis toujours écartés du pouvoir politique et économique (ce qui n’a jamais empêché les dissensions dans leurs rangs), ils nourrissent un fort sentiment d’injustice et aspirent à des réparations, notamment pour l’expulsion de plusieurs de dizaines de milliers d’entre eux après les graves affrontements interethniques de 1989. L’enjeu, c’est la lutte contre l’extrémisme, qu’il soit arabe, négro-mauritanien ou religieux. « L’unité nationale est le fondement de tout. Quand une communauté se sent brimée, elle songe forcément à recourir à la force, regardez ce qui s’est passé en juin 2003 », estime un sociologue, faisant allusion à une tentative de coup d’État menée par des islamistes radicaux (une vingtaine de morts).
Autre objectif prioritaire : le partage plus équitable de la richesse nationale. « Les clivages de la société mauritanienne sont aujourd’hui davantage économiques qu’ethniques », juge le même interlocuteur. De fait, dans les rues de Nouakchott, le contraste est saisissant : 4×4 rutilants et villas luxueuses, d’un côté ; charrettes tirées par des ânes et bidonvilles (les kebbe), de l’autre. Le fossé qui sépare riches et pauvres (20 % des Mauritaniens détiennent 46 % de la richesse) est spectaculaire. Il a, en partie, pour origine les trafics illicites et la corruption. La mise en exploitation du pétrole mauritanien, à partir de février 2006, l’a creusé encore un peu plus. Et renforcé les revendications des moins bien lotis : il y a aujourd’hui un pactole à partager, ce qui n’a pas toujours été le cas. L’an dernier, l’or noir a rapporté à l’État près de 49 milliards d’ouguiyas (196 millions de dollars). « Désormais, les Mauritaniens sont informés de ce qui se passe chez leurs voisins et deviennent plus exigeants », ajoute un observateur, qui, comme souvent, préfère garder l’anonymat. Manque d’infrastructures, accès insuffisant à l’eau potable (53 % de la population seulement en bénéficient), faible taux de scolarisation (74 % dans le primaire, 14 % dans le secondaire) Toutes ces carences de l’État, les Mauritaniens espèrent bien que le futur gouvernement s’emploiera à les corriger.
Mais le dossier le plus brûlant est sans doute celui du « passif humanitaire », qu’il s’agisse du retour des exilés au Sénégal et au Mali (après les « événements » de 1989), du sort des familles des victimes des diverses purges dans l’armée ou du problème de l’esclavage. Pendant la campagne, tous les candidats ont pris des engagements à ce sujet, mais de manière passablement vague. L’esclavage, en particulier, est un sujet d’autant plus sensible qu’il divise l’opinion : certains sont convaincus que le phénomène perdure, quand d’autres estiment que n’en subsistent plus que des séquelles.
En un sens, le fonctionnement traditionnellement tribal de la société est aussi une entrave à l’unité nationale. Tous les postulants à la magistrature suprême ont promis qu’à l’avenir ni les solidarités tribales ni les alliances familiales ne constitueraient plus un critère décisif dans l’attribution d’un marché ou l’octroi d’une promotion professionnelle dans l’administration. Et que seules les compétences des intéressés et les besoins du pays seraient pris en compte. « Une région ne doit pas être mieux dotée qu’une autre sous le prétexte que le président en est originaire », rappelle un observateur. Acceptons-en l’augure

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