Karité, manioc et cacao

Comme chaque année, la grand-messe paysanne de la capitale française a remporté un franc succès. Et permis à des pays africains de faire connaître leurs produits.

Publié le 13 mars 2007 Lecture : 5 minutes.

Surnommé la plus grande ferme d’Europe, le Salon international de l’agriculture (SIA) de Paris a ouvert ses portes le 3 mars pour une semaine. Créée en 1964, l’incontournable grand-messe paysanne de la capitale française est progressivement devenue un rendez-vous grand public. Car il offre aux citadins la possibilité de découvrir la campagne aux portes de Paris et les animaux « en vrai ». Sur 30 000 m2 de plancher, on navigue entre la reconstitution d’une ferme d’élevage (avec le pré, la grange, l’étable, la nursery) et une immense salle de traite, installée par le leader mondial de la production laitière, Delaval. On peut se faire prendre en photo sur un tracteur devant un paysage agricole, observer les maréchaux-ferrants à l’ouvrage, ou encore se rendre à Destination mouton pour assister aux olympiades des jeunes bergers. Ou alors faire un tour dans la basse-cour, qui aligne 1 500 espèces. L’année dernière, elle avait été privée de ses volailles pour cause de grippe aviaire.
Malgré les crises sanitaires très médiatisées – il y avait aussi eu la vache folle en 2002 – et une légère baisse de la fréquentation lors de la dernière édition, le public parisien est venu nombreux, notamment les enfants, qui ont déboulé par classes entières. Chaque année, le SIA s’adapte à la demande de citadins de plus en plus curieux, car de plus en plus éloignés des réalités rurales. Ainsi, en 2003, des ufs de volaille avaient été mis en couveuse de manière à donner des éclosions à toutes les heures du jour… devant les yeux émerveillés des bambins. Cette année, sur le stand Planète viande, un jeu sur écran géant, le « Puzzle du boucher », permet aux plus grands de réviser leurs connaissances en matière d’anatomie bovine. Plus loin, un « bar lounge » avec DJ et cocktails propose toutes sortes de produits laitiers. Les animaux de compagnie ne sont pas oubliés, dans un pays dont la population possède 9,7 millions de chats et 8,6 millions de chiens, ce qui la place dans les premiers rangs européens.
Mais le salon est aussi l’occasion pour les éleveurs et les agriculteurs de mieux faire connaître leurs métiers et, pour certains, de voir leur travail reconnu et même consacré. Le SIA est la plus importante foire agricole de France. Il accueille deux concours généraux, celui des animaux et celui des productions. Cette année, plus de 17 000 produits ont été présentés par environ 7 000 participants, soumis au verdict de 742 jurys réunissant 3 800 jurés. Ce qui donne au SIA une deuxième image, celle d’une sorte d’hypermarché de l’alimentation naturelle avec ses centaines de stands de victuailles à humer ou à déguster. Les producteurs offrent généreusement foie gras, confitures, pains, fromages, fruits, légumes et spécialités régionales.
Le SIA, c’est aussi le rendez-vous des politiques. En cette période de campagne présidentielle, la plupart des candidats se sont succédé dans les allées, tous désireux de faire encore meilleure impression que le président Jacques Chirac, ancien ministre de l’Agriculture en 1972, passé maître dans l’épluchage de tranches de saucisson et la tape amicale « au cul des vaches » Les exposants ne sont pas en reste et tentent eux aussi de faire passer leur message politique. En 2003, un stand avait particulièrement marqué les esprits, celui de la Confédération paysanne, où un panneau lumineux comptabilisait la disparition d’un paysan européen toutes les trois minutes et d’un français tous les quarts d’heure.
Si 97 pays participent au SIA en tant qu’exposants, la présence africaine est toujours relativement discrète. Cette année, sept pays du continent étaient représentés : Cameroun, Comores, Côte d’Ivoire, Mali, Maroc, Sénégal, Tunisie. La Côte d’Ivoire participe fidèlement depuis plus de dix ans, exposant son café et son cacao sous toutes leurs formes : bruts (cerises de café et cabosses de cacao) ou transformés (café moulu, torréfié, robusta, arabica, arabista, chocolat, liqueur de café…). À leurs côtés : banane, banane séchée, ananas, manioc, attiéké (couscous de manioc), beurre de karité. Selon le Centre national de recherche agronomique (CNRA) ivoirien, les visiteurs habituels du stand sont des étudiants, surtout ivoiriens, des parents qui veulent faire découvrir des produits exotiques à leurs enfants, des enseignants à la recherche d’informations pour leurs cours et quelques industriels. Plusieurs pays ont participé par le biais d’entreprises privées, comme la Tunisie, avec le Groupement interprofessionnel des fruits, le Cameroun, avec l’Association des bananiers, ou encore les Comores, qui ont prévu, à travers plusieurs sociétés exportatrices, de faire connaître la vanille, le piment-poudre, la confiture de goyaves et l’essence d’ylang-ylang.
D’autres pays ont des délégations plus importantes, chapeautées par leur ministère de l’Agriculture. C’est le cas du Mali, qui en est à sa deuxième participation. « Le Mali était présent à travers des participations individuelles. Depuis l’année dernière, notre venue est placée sous l’égide du ministère de l’Agriculture pour promouvoir le secteur agro-industriel malien, explique le docteur Timbi Gagny, coordinateur du PCDA [Programme compétitivité et diversité agricole, qui dépend du ministère]. Notre présence en 2006 a été très positive et les autorités ont décidé de l’institutionnaliser. Cette année, nous sommes une trentaine de personnes : des représentants institutionnels, des membres des grands projets et des programmes de développement et des professionnels. Nous avons vendu des mangues et des produits dérivés du karité. »
Le Sénégal, quant à lui, participe depuis 2001. « Notre venue a une importance certaine, indique Thierno Ndioye, du ministère de l’Agriculture. Elle permet aux sociétés sénégalaises de faire valoir leurs produits, de les encourager à promouvoir la transformation des produits agricoles et d’entrer en contact avec des partenaires français, comme ceux du marché de Rungis, et des distributeurs de produits exotiques. Lors de notre première participation, nos éleveurs ont constaté que les bêtes européennes étaient très grosses, ça leur a donné des idées. » Cette année, la délégation sénégalaise a été prise en charge par un partenariat public/privé, entre l’État et l’Union nationale des Chambres de commerce, d’industrie et d’agriculture du Sénégal. Le pays organise par ailleurs deux colloques, un sur le projet Reva (Retour vers l’agriculture) et l’autre sur les énergies vertes. Mustapha Ka, conseiller du président de la Chambre de commerce de Dakar, conclut : « Quelque vingt entreprises vont faire le voyage de Paris. Ça coûte cher bien sûr, mais c’est important pour nous de voir ce qui se fait de mieux dans le monde en matière d’agriculture et d’élevage. »

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