Tunisie – Ahmed Souab : « Les magistrats les plus anciens se sont accoutumés à la corruption »
Affaire Rached-Akremi, réformes, corruption, collusion avec les forces politiques… Le juge à la retraite livre son verdict sur l’institution judiciaire tunisienne.
Activiste un jour, activiste toujours. À la retraite, le bouillonnant juge Ahmed Souab continue son combat pour la justice et suit de près les événements qui agitent le corps de la magistrature. Tiraillé entre un constat d’échec et l’espoir d’une refonte de la justice, il revient sur une crise sans précédent au plus haut niveau d’une institution, pilier de la démocratie.
Membre fondateur du syndicat des juges administratifs et ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), celui qui a contribué à poser les jalons du syndicalisme dans la magistrature décrypte une « situation complexe et compliquée qui ne se réduit pas à un ou deux acteurs ».
Jeune Afrique : Depuis 2011, pourquoi la justice a-t-elle raté sa réforme ?
Ahmed Souab : Les purges de 2011 et de 2012 devaient donner le départ d’une transition juridictionnelle, mais nous avons raté ce virage. De fait, la situation de la justice a empiré, et chacun y a sa part de responsabilité. Le pouvoir politique, sous prétexte d’assainir, a surtout instrumentalisé deux grands dossiers : celui des assassinats de deux leaders de gauche, Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, et celui des purges anti-corruption.
Mais cela est secondaire au regard de la responsabilité des juges eux-mêmes, surtout celle de l’Association des magistrats tunisiens (AMT), qui a failli dans ses décisions et ses objectifs d’écarter les magistrats véreux. Depuis 2011, nous attendons la liste des juges corrompus que l’association aurait dressée. Or, au vu et au su de tous, des juges soupçonnés de corruption siègent dans certaines instances et l’association fait en sorte qu’un juge démissionne plutôt que de le laisser subir de la prison ferme.
Comment la justice aurait-elle pu être assainie ?
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