Brigitte Girardin

Ministre française déléguée à la Coopération

Publié le 13 mars 2007 Lecture : 5 minutes.

La cinquantaine sportive, cette fidèle de Jacques Chirac, qui fut ministre de l’Outre-Mer avant d’être nommée il y a deux ans au poste de ministre délégué à la Coopération, au Développement et à la Francophonie, a en charge la politique « ivoirienne » de la France. Une fonction qu’elle exerce en liaison étroite avec Michel de Bonnecorse à l’Élysée et Michèle Alliot-Marie à la Défense. Directe et sans langue de bois, ce qui est plutôt rare chez les diplomates de formation (il est vrai qu’elle se présente également comme une « femme politique »), Brigitte Girardin a reçu J.A. le 6 mars dans son bureau de la rue Monsieur, à Paris. « Jusqu’à la dernière minute », assure-t-elle, elle continuera d’avoir un il sur Abidjan – où elle compte d’ailleurs se rendre en avril pour la traditionnelle réunion du GTI.

Jeune Afrique : La France n’a été ni partie prenante ni même associée à l’accord de Ouagadougou. Est-ce pour cela qu’il a des chances d’être appliqué ?
Brigitte Girardin : C’est une vision caricaturale des choses. Nous n’avons jamais cessé de dire que nous n’étions pas là pour faire le travail à la place des Ivoiriens, encore moins pour nous substituer à eux, mais pour les aider à trouver des solutions. Si cet accord de Ouagadougou a pu être signé, c’est bien parce que la communauté internationale, exaspérée par le blocage de la situation ivoirienne, a exercé sur les protagonistes les pressions les plus vives afin qu’ils se décident enfin à appliquer la résolution 1721 du Conseil de sécurité. Cet accord n’a pas été conclu dans notre dos et ne constitue pas une pseudo-solution alternative à la 1721, il est une appropriation par les Ivoiriens eux-mêmes de la feuille de route définie par la communauté internationale.
Tout de même, vous êtes un peu en dehors du coup
Écoutez. J’étais moi-même à Ouagadougou, puis à Abidjan, fin février, à la veille de la signature des accords et j’ai rencontré tous les protagonistes. Le président Compaoré a eu avec Jacques Chirac un entretien lors du sommet de Cannes, qui portait justement sur ce processus. Vous croyez sérieusement que la France, qui est le premier contributeur financier et militaire dans cette affaire, n’a pas été tenue au courant de l’évolution de ces négociations ? Si nous nous étions ingérés, on nous aurait traités d’affreux colonialistes, et quand on confie aux Ivoiriens la boîte à outils pour qu’ils réparent eux-mêmes la machine, on prétend que nous sommes hors du coup. C’est amusant.
Êtes-vous optimiste ?
Oui. Car ce qui a permis l’accord de Ouagadougou, outre les pressions de la communauté internationale, ce sont deux choses. L’implication personnelle de deux chefs d’État de la région, Compaoré et Kufuor, qui, l’un et l’autre, sont à la tête d’organisations multinationales importantes – la Cedeao et l’UA. Et l’immense sentiment de lassitude éprouvé par la population ivoirienne. La différence entre Ouagadougou et les accords qui l’ont précédé est claire : si, cette fois-ci, ça ne marche pas, il n’y aura pas de bouc émissaire extérieur possible. Laurent Gbagbo et Guillaume Soro devront rendre des comptes devant les Ivoiriens. Pas de défausse sur la France ou qui que ce soit d’autre. Ils sont au pied du mur, face à leurs responsabilités, et c’est très bien ainsi.
À moins de deux mois de l’élection présidentielle française et alors que Jacques Chirac s’apprête à passer la main, c’était un peu inespéré
Tant mieux. À titre personnel, je suis heureuse de voir qu’une première étape vers la sortie de crise semble enfin avoir été franchie. Je laisse un dossier en ordre et avec des perspectives claires.
Le Premier ministre Charles Konan Banny a été imposé par la communauté internationale. Accepteriez-vous de le voir remplacé par Guillaume Soro ?
C’est un point intéressant, même si vous vous avancez beaucoup, il me semble, quant à l’identité du successeur tout à fait éventuel de Konan Banny. Si les signataires de Ouagadougou décident de changer de Premier ministre, il faudra qu’ils obtiennent l’aval de la Cedeao, de l’Union africaine, puis du Conseil de sécurité de l’ONU, car il s’agira là d’une modification de la résolution 1721, dans le cadre de laquelle cet accord s’inscrit implicitement.
Et si le Conseil de sécurité refuse le changement de Premier ministre ?
Ce sera parce que la Cedeao et l’UA l’auront refusé auparavant. Le Conseil n’a toujours fait qu’appliquer, à la virgule près, les résolutions africaines.
À quand le retrait du contingent Licorne ?
L’accord de Ouagadougou prévoit un retrait progressif de nos troupes de la zone de confiance : c’est une bonne chose, un signe positif, une perche qu’on nous tend et que nous allons saisir. Rappelons tout de même que Licorne est en Côte d’Ivoire sous mandat onusien, lequel prévoit précisément son déploiement en zone de confiance. Il faudra donc, là aussi, en repasser par le Conseil de sécurité.
Vous avez enfin été reçue par le président Gbagbo lors de vos deux derniers passages à Abidjan, début 2007
C’est exact. Parce que le président a demandé à me voir, contrairement à mes douze précédentes visites. J’avais toujours dit que j’étais à sa disposition et il ne m’avait jamais fait signe.
Pourquoi ce changement d’attitude, selon vous ?
Je crois que le président Gbagbo voulait exprimer par là son souhait de renouer avec la communauté internationale. Il s’est rendu compte qu’il était dans une impasse. Après avoir dit publiquement qu’il n’acceptait pas la résolution 1721, il risquait d’avoir tout le monde à dos. Il fallait qu’il en sorte, il fallait qu’il bouge.
Avez-vous été séduite par le personnage ?
On ne me charme pas facilement. Pour le reste, nos discussions ont été courtoises et fermes. Je lui ai dit que la France ne soutenait personne en Côte d’Ivoire et que, s’il était élu démocratiquement, nous étions tout à fait disposés à travailler avec lui. J’ai également souligné que la France n’avait aucun intérêt économique dans son pays, ni dans le café, ni dans le cacao, ni dans le pétrole. Je lui ai enfin rappelé que le contingent Licorne, dont le déploiement coûte 250 millions d’euros par an aux contribuables français, n’était là que pour aider à sortir de la crise.
L’avez-vous convaincu ?
Je l’ignore, mais ce n’est pas vraiment mon problème. Je constate simplement que le président Gbagbo m’a exprimé son souhait de voir revenir au plus tôt les quelque huit mille Français rapatriés en novembre 2004. C’est encourageant.

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