Béatrice Kombe-Gnapa

La chorégraphe ivoirienne est morte, à Abidjan, le 21 février des suites d’une insuffisance rénale. Elle aurait eu 35 ans le 6 avril prochain.

Publié le 13 mars 2007 Lecture : 2 minutes.

Béatrice Kombe-Gnapa se savait malade depuis plusieurs mois, mais elle avait tenu malgré tout à débuter à l’automne dernier sa seconde tournée américaine. La scène canadienne l’avait accueillie à bras ouverts dès 1999 lors du Festival international de la nouvelle danse de Montréal. Incarnation du renouveau de la création artistique africaine, elle restera l’une des danseuses les plus marquantes des deux dernières décennies. Son apport à la danse contemporaine africaine et même mondiale a été déterminant dès les années 1990. Née en 1972 à Diegonefla, au centre de la Côte d’Ivoire, fille d’un père professeur de danse, elle n’a pas reçu de formation particulière. Mais dès 1984, elle devient membre de plusieurs troupes locales. En 1997, elle crée avec un autre jeune talent ivoirien, Jeety Lebri Bridgi, l’une des premières troupes africaines composées exclusivement de femmes. Jeety en est le directeur artistique pendant trois ans. Elle choisit de baptiser la compagnie TchéTché, « l’aigle » en bété. Ce symbole de puissance et de gloire doit mener les femmes vers de nouvelles hauteurs et vers la liberté. Ainsi concevait-elle la danse.
Son uvre la plus importante, Dimi (« Douleur »), créée en 1998, est un « hymne à la solidarité féminine ». À la croisée des danses contemporaine, urbaine et africaine, ce ballet met en scène quatre femmes au crâne rasé et à la musculature athlétique, loin de l’image des danseuses africaines traditionnelles. La pression familiale et patriarcale, l’injustice sociale et les conflits intergénérationnels y sont dénoncés par des corps qui se vident de leurs souffrances.
Elle appartenait à cette nouvelle avant-garde africaine qui refuse de se définir exclusivement selon les schémas traditionnels et qui souhaite s’inscrire dans une culture urbaine mondiale.
Ce dépassement des frontières, cette rencontre d’univers et de pratiques scénographiques différentes l’ont amenée à créer en 1999 le ballet ?Sans repères, expression d’une jeunesse africaine en quête d’identité et de valeurs.
En 2006, Béatrice Kombe avait interprété avec la danseuse Nadja Bengré, son ballet Geeme (« Union ») lors des 6es Rencontres chorégraphiques de l’océan Indien, à Paris. Un duo sublime qui oscille entre énergie africaine et abstraction contemporaine. La reconnaissance internationale ne s’est pas fait attendre. Dimi et Sans repères ont été couronnés de nombreuses récompenses : prix Découverte RFI en 2000, prix Unesco lors du Masa (Marché des arts du spectacle africain) de 1999, 2e prix au concours mondial de la chorégraphie à Hanovre (Allemagne), prix des Rencontres chorégraphiques d’Afrique et de l’océan Indien en 2001… Sa pratique de la danse et les ballets de la compagnie ont suscité quelques documentaires, notamment African Dance : Sand, Drum and Shostakovich de Ken Glazebrook et Alla Kovgan en 2002 – l’année où TchéTché rencontre la compagnie masculine burkinabè Kongo Ba Téria dans le ballet Nagtaba.
Depuis 2001, elle enseignait au département de théâtre et de danse de l’université de Floride, auprès de la spécialiste de danse africaine Joan Frosch qui l’avait filmée dans son documentaire Movement (R)Evolution Africa (2006). Depuis le 21 février, les hommages se multiplient dans le monde entier pour saluer cette danseuse exceptionnelle qui vivait son art comme un engagement total.

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