Banques ghanéennes : les investisseurs parient sur la reprise après la crise
La santé des établissements financiers ghanéens n’est pas florissante, mais les perspectives à moyen terme rassurent les investisseurs. Pour preuve, Fidelity Bank vient de faire l’objet d’une prise de participation de la part d’un trio de capital-investisseurs.
Alors que le Ghana traverse une période tourmentée, l’annonce fin février d’un investissement de 70 millions de dollars (50,4 millions d’euros) dans la banque ghanéenne Fidelity Bank par un trio de financiers composé du français Amethis, du groupe Edmond de Rothschild et du sud-africain Kagiso Tiso Holdings (KTH) a de quoi surprendre à première vue. Le Fonds monétaire international (FMI) vient en effet d’indiquer que la croissance du pays en 2014 serait bien inférieure aux prévisions du gouvernement. L’institution table sur 4,8 %, alors que les autorités avancent une progression du PIB de 8 %.
En 2013, l’économie de l’ancienne Gold Coast a tourné au ralenti pendant neuf mois, en attendant que la Cour suprême statue sur la validité de l’élection présidentielle. Et en deux ans, le cédi, la monnaie nationale, a fondu d’environ 40 % par rapport au dollar sous la pression des déficits budgétaire et commercial. Résultat, Bank of Ghana, la banque centrale du pays, a dû augmenter son taux directeur de 16 % à 18 %. Une hausse qui fait craindre une augmentation mécanique du taux des prêts accordés au secteur privé et une accumulation des créances douteuses.
Lire aussi :
Ghana : Amethis, Rotschild et KTH au capital de Fidelity Bank
Ghana : pourquoi le cédi s’effondre ?
David Cowan, Citi : « Le départ de Sanusi ne change pas vraiment l’équation pétrolière au Nigeria »
« La dégradation de la qualité des actifs constitue un risque important », confirme Adesoji Solanke, spécialiste du secteur bancaire pour l’Afrique subsaharienne chez Renaissance Capital. Cette banque d’investissement spécialisée dans les économies émergentes note que le taux de créances douteuses de la filière, actuellement de 13 %, pourrait augmenter à court et à moyen terme si la croissance rapide des crédits accordés se poursuit dans ce contexte de hausse des taux d’intérêt. D’autant que la maîtrise des risques par les établissements ghanéens est jugée « approximative » par le cadre d’une agence de développement implantée à Accra.
Consolidation
Mais en matière de gestion des risques, les banques ghanéennes ne sont pas toutes logées à la même enseigne. Les établissements publics, par exemple, sont plus exposés en raison de leur dépendance au secteur de la construction. Secteur qui pourrait être affecté par le gel des chantiers consécutif au changement de gouvernement et à la volonté de l’État de contrôler ses dépenses. « On constate déjà un certain nombre de retards de paiement de la part des organismes parapublics », affirme un financier installé à Accra.
À l’inverse, les banques dites indigènes (à capitaux majoritairement privés et ghanéens) ont défini une stratégie assez efficace pour compenser le ralentissement du secteur privé : « Elles sont parvenues à maintenir leurs performances en ayant recours au trade finance (financement de transactions commerciales) et en souscrivant des bons du Trésor, dont la rémunération est très intéressante », décrypte ce financier.
Mais outre la question de la maîtrise des risques, une autre inconnue pèse sur les perspectives du secteur : la volonté de l’État d’exiger des banques un minimum de 120 millions de cédis (47,5 millions d’euros) de fonds propres à court terme, contre 60 millions actuellement. Certaines auront du mal à remplir cette condition, ce qui devrait provoquer un mouvement de consolidation – via des acquisitions et des fusions. C’est justement là que des occasions se présentent aux investisseurs. « Les grandes banques pourraient participer à cette consolidation, mais il paraît plus probable que ce mouvement concerne avant tout les petits acteurs locaux », analyse John Gadzi. UT Bank, Cal Bank et Fidelity pourraient ainsi racheter les établissements qui sont au bas de l’échelle (le dernier tiers des 27 banques que compte le pays).
Opportuniste
Ce sont précisément ces facteurs qui ont poussé Amethis, Rothschild et KTH à investir dans Fidelity. Les trois partenaires misent sur l’économie ghanéenne au-delà de ces péripéties conjoncturelles, qu’ils décrivent comme une « correction nécessaire », après plusieurs années de croissance à plein régime. « Sur un plan macroéconomique, 2013 a été une année difficile et 2014 risque d’être compliquée, mais 2015 s’annonce bien meilleure, affirme John Gadzi, directeur général d’IC Securities. À moyen terme, les perspectives de certaines banques sont bonnes. »
« Nous voulons aider Fidelity à couvrir tous les segments de clientèle, du grand public aux fortunes privées, explique Laureen Kouassi-Olsson, directrice d’investissement chez Amethis. Nous allons l’aider à proposer des services de banque privée et de gestion d’actifs afin de répondre aux besoins d’une classe émergente très aisée. De même, nous allons développer son activité de trade finance. » Et pour placer la banque parmi les tout premiers établissements du pays, Laurent Demey, cofondateur et directeur général d’Amethis, évoque déjà une « acquisition opportuniste » dans les années à venir.
Par ailleurs, malgré une croissance vertigineuse ces dernières années, le secteur conserve une marge de progression importante dans ce pays où le taux de bancarisation reste faible (environ 30 %). Une étude récente du cabinet sud-africain Genesis Analytics prévoit par exemple que le nombre d’agences au Ghana devrait passer de 720 aujourd’hui à 1 800 en 2020. Là encore, selon John Gadzi, « les banques qui proposent les services et les produits les plus innovants sont les mieux armées pour gagner des parts de marché ».
L'éco du jour.
Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Économie & Entreprises
- La Côte d’Ivoire, plus gros importateur de vin d’Afrique et cible des producteurs ...
- Au Maroc, l’UM6P se voit déjà en MIT
- Aérien : pourquoi se déplacer en Afrique coûte-t-il si cher ?
- Côte d’Ivoire : pour booster ses réseaux de transports, Abidjan a un plan
- La stratégie de Teyliom pour redessiner Abidjan