Sarkozy, un Reagan français

Publié le 13 février 2007 Lecture : 3 minutes.

Dans une récente interview au journal Le Monde, Nicolas Sarkozy a présenté par le menu détail son programme économique pour l’élection présidentielle française qui s’articule, selon moi, autour de quatre axes.
Le marché du travail, d’abord. Nicolas Sarkozy veut mettre en place des incitations financières destinées aux personnes qui souhaitent travailler davantage. Si elle est prise, cette mesure mettra fin, de facto, à la semaine de 35 heures – l’une des plus grandes rigidités du marché du travail – qu’avait adoptée le dernier gouvernement socialiste. Il veut également encourager les gens à travailler au-delà de l’âge de la retraite.
La gestion des entreprises, ensuite. Sarkozy s’est déclaré opposé aux gros salaires des patrons sans rapport avec les risques qu’ils courent. Il veut également décourager les primes à l’embauche démesurées et permettre à tous de profiter des stock-options.

Troisièmement, les impôts et les dépenses publiques. La mesure la plus importante qu’il veut mettre en uvre consiste à ne soumettre que 5 % de la population aux droits de succession. Il veut abaisser le plafond maximal de l’impôt sur le revenu à 50 %, contre 60 % actuellement. Les crédits immobiliers seraient déductibles. Les nouveaux postes de dépenses publiques les plus importants concerneront les secteurs de la recherche-développement et de l’éducation.
En matière de politique monétaire, enfin, Nicolas Sarkozy considère que la Banque centrale européenne (BCE) devrait avoir activement recours aux taux d’intérêt pour stimuler la croissance.
Les deux premiers points sont raisonnables : il s’agit de réformes microéconomiques équilibrées qui encourageraient les gens au lieu de les pénaliser. Il s’agit de mesures économiques salutaires, qui devraient aussi être payantes politiquement.

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Le troisième axe comporte beaucoup de mesures intelligentes si on les prend isolément, mais Sarkozy ne dit pas comment il compte les financer. Je suis d’ailleurs surpris que les médias français ne lui tiennent pas rigueur de cet oubli. La seule initiative de réduction drastique des dépenses de l’État qu’il envisage est son plan de remplacement d’un seul fonctionnaire pour deux qui partent à la retraite, qui permettrait d’économiser 5 milliards d’euros. Mais elle ne suffira pas à financer son programme.
Sur le très utile site Internet www.debat2007.fr, qui présente la liste des promesses électorales faites par les principaux candidats à l’Élysée, ainsi qu’une estimation de leur coût, je me rends compte que l’ensemble des promesses de Sarkozy s’élèveront à quelque 29 milliards d’euros par an (moyennant quelques ajustements pour prendre en compte les points de son programme qui s’étalent sur plusieurs années). Cela représente environ 1,6 % du PIB, à quelques décimales près.

Ce n’est rien de moins que du reaganisme à la française, mais Nicolas Sarkozy évolue dans un contexte économique différent de celui de l’ancien président américain. En France, les impôts sont importants, pour la simple raison que le secteur public y représente 54 % du PIB. Je n’ai personnellement rien contre un secteur public très développé, si tel est le souhait du pays en question. Mais cette particularité nécessite d’être honnête quand on parle du niveau des impôts. Si Sarkozy veut un niveau d’impôts à l’américaine, il aura un secteur public à l’américaine.
Et quoi qu’il en soit, le pacte de stabilité et de croissance de l’Union européenne (UE) limite considérablement la marge de manuvre dont il dispose pour jouer sur l’accroissement des déficits. À l’inverse, il contraint la France à réduire chaque année son déficit structurel d’un demi-point.
Rien ne dit que Nicolas Sarkozy se prépare à aller au clash avec les autres pays de la zone euro à ce propos. Ce qui me donne à penser que soit il ne pourra pas mettre en pratique ses propositions en matière de politique fiscale, soit il devra, s’il y tient vraiment, introduire de nouveaux impôts, réduire les dépenses de l’État ou faire les deux à la fois. En d’autres termes, soit il ment, soit il s’apprête à faire gravement souffrir l’économie.

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