Les patrons votent Bouteflika… par peur des représailles
Le Forum des chefs d’entreprise s’est prononcé en faveur d’un quatrième mandat du dirigeant. Mais derrière l’accord de façade, trois tendances s’affrontent.
Le Forum des chefs d’entreprise (FCE) a fait son choix. Lors de son assemblée générale extraordinaire du 13 mars, la plus importante organisation patronale algérienne s’est prononcée en faveur d’un quatrième mandat d’Abdelaziz Bouteflika. La réunion devait initialement se tenir le 10 février, bien avant l’annonce officielle de la candidature du président, le 22 février, mais avait été reportée faute de quorum. Contrairement aux précédentes élections de 2004 et 2009, le FCE a tardé à apporter son soutien à Bouteflika, 77 ans, qui a passé quatre-vingts jours dans un hôpital français en 2013 à la suite d’un accident vasculaire cérébral.
À un mois de l’élection du 17 avril, les grands patrons sont en effet divisés sur le sujet, entre soutiens de Bouteflika, pro-Ali Benflis (également candidat à la présidentielle) et partisans de la neutralité. D’ailleurs, seuls 132 dirigeants sur les 350 membres du FCE se sont déplacés le 13 mars.
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Peur des représailles
Slim Othmani, le patron de NCA Rouiba (producteur de jus de fruits), avait quant à lui déclaré publiquement qu’il ne participerait pas à cette réunion, plaidant pour que le FCE reste à l’écart des questions politiques, comme l’exige d’ailleurs son statut associatif. Depuis, il a envoyé le 15 mars une lettre au président du FCE pour annoncer sa démission « motivée par le peu de respect qui a été accordé, tant aux membres qu’au règlement intérieur de cette institution qui méritait bien mieux que cette mascarade de soutien électoral ».
D’autres chefs d’entreprise font toutefois profil bas par crainte de représailles du clan présidentiel. « Je vais y aller pour ne pas être catalogué parmi les adversaires. Les jeux sont faits, et Bouteflika sera réélu. Et comme en 2004, son camp va s’attaquer aux soutiens de Benflis », affirmait un PDG avant l’assemblée générale.
Par le passé en effet, quelques patrons favorables à Benflis, comme Omar Dechmi (décédé depuis) qui possédait la Compagnie algérienne de banque (CAB), ou Abdelghani Djerrar (Tonic Emballage, fabricant de cartons), ont vu le sort s’acharner contre eux. La CAB a été liquidée par la Banque d’Algérie, et Tonic Emballage nationalisé.
Cette institution méritait bien mieux que cette mascarade de soutien électoral.
Slim Othmani, PDG de NCA Rouiba
Plusieurs chefs d’entreprise ne cachent pas leur rancune, anonymement bien sûr. « Nous l’avons soutenu en 2009 et deux mois après son élection en avril, le gouvernement a adopté – dans un secret total – une série de mesures durcissant les conditions d’investissement et d’importation », déplore le PDG d’une société de services.
Les partisans de Bouteflika au sein du Forum, menés par Ali Haddad, le puissant et influent leader de l’ETRHB Haddad (BTP), proche de Saïd Bouteflika, frère cadet du président, sont en tout cas à l’oeuvre depuis plusieurs semaines. Ils auraient déjà collecté 200 millions de dinars (près de 2 millions d’euros).
Profil bas
D’après nos informations, les partisans de Benflis réunissent eux aussi discrètement des fonds pour leur candidat. Le 12 mars, leur favori, ancien chef du gouvernement et candidat malheureux en 2004, a demandé à l’organisation de rester « neutre » dans la course à la présidentielle. « Le Conseil d’orientation stratégique du FCE penche pour Benflis, et le Conseil exécutif est plutôt favorable à Bouteflika, mais les partisans du premier font profil bas, et certains ont même donné de l’argent au staff de campagne du président sortant », résume un membre du FCE. Réda Hamiani lui-même, le président de l’association patronale, n’est pas parvenu à rapprocher les tendances au sein de son organisation. Favorable à ce quatrième mandat, il s’interroge toujours sur la question de l’implication du FCE en politique.
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