À l’heure des négociations

Grâce à Kadhafi, le président Bozizé a obtenu le ralliement du chef rebelle Miskine. Mais parviendra-t-il à en faire autant avec les autres ?

Publié le 14 février 2007 Lecture : 3 minutes.

Bien joué. Le retour au bercail du rebelle Miskine est une belle opération pour le président François Bozizé. Abdoulaye Miskine – Martin Koumtamadji de son vrai nom – est un ancien chef de la sécurité présidentielle d’Ange-Félix Patassé. Ces derniers temps, il suffisait encore d’évoquer son nom de guerre « Miskine » pour semer l’effroi dans les villages du nord-ouest cotonnier de la Centrafrique. Même le chef de l’opposition politique, Martin Ziguélé, salue « cette initiative en vue de ramener la paix ».
À la manuvre, le Tchadien Idriss Déby Itno et, surtout, le Libyen Mouammar Kadhafi, qui s’impose de plus en plus comme le grand réconciliateur de la sous-région. Le numéro un libyen a mené rondement son affaire. Première rencontre entre Bozizé et Miskine le 25 janvier à Syrte. Négociations en présence du pasteur Isaac Zokoué, le président du Groupe des sages centrafricains, un évangéliste qui prend de plus en plus d’importance à Bangui. Accord de paix le 2 février à Syrte. Le texte prévoit un cessez-le-feu immédiat et l’intégration des rebelles dans la vie politique et l’armée centrafricaines.
Le 3 février, Abdoulaye Miskine et l’ancien ministre André Ringui Le Gaillard rentrent à Bangui dans le même avion que François Bozizé. Et logent au palais présidentiel, ce qui fait grincer beaucoup de dents. Les Banguissois n’ont pas oublié les tueries attribuées à Miskine en novembre 2002 dans le quartier tchadien du PK 13, à Bangui. Leur entrée au gouvernement n’est pas à l’ordre du jour. « Je ne suis pas sûr que Miskine soit capable de suivre un débat en français. Et on ne va pas tenir les Conseils des ministres en sango [la langue nationale du pays] rien que pour lui ! » lâche un familier du palais.
Pour autant, ce ralliement ne règle pas tout. « Une hirondelle ne fait pas le printemps », dit joliment Martin Ziguélé. Abdoulaye Miskine a beau se présenter comme le chef d’état-major d’une coalition rebelle, les deux principaux mouvements armés du nord de la Centrafrique le récusent. Alors qui dit vrai ? Une source proche du Bonuca, le Bureau des Nations unies en Centrafrique, estime que Miskine contrôle plus de la moitié des combattants de l’APRD (Armée populaire pour la restauration de la République et de la démocratie), qui a revendiqué plusieurs attaques dans le nord-ouest du pays ces derniers mois. En revanche, il n’aurait aucune prise sur l’UFDR (Union des forces démocratiques pour le rassemblement), qui avait conquis tout le nord-est de la Centrafrique en novembre dernier, avant d’être repoussé par les Mirage F1 et les hélicoptères de combat de l’aviation française.
Tout à fait logiquement, le nouvel objectif de Bozizé est donc le ralliement de l’UFDR. Le problème, c’est que son chef, Abakar Sabone, est en prison au Bénin depuis le 25 janvier et ne veut rien négocier tant qu’il ne sera pas libéré. Du coup, Bozizé vient de faire appel à nouveau au grand frère libyen. Un émissaire de Kadhafi circule actuellement entre Bangui et Cotonou pour préparer un éventuel retour de Sabone au bercail. Les Libyens n’ont pas que des arguments politiques. En décembre dernier, pour le ralliement du rebelle tchadien Mahamat Nour, ils avaient offert un cadeau de 5 millions de dollars.
C’est dans ce scénario bien huilé que vient de surgir un personnage que l’on n’attendait plus. Le 2 février, le jour de l’accord de paix de Syrte, l’ancien président Patassé a lancé un appel depuis son exil de Lomé, au Togo. Solennellement, il a invité François Bozizé et l’ex-président André Kolingba à « des pourparlers directs à trois en vue d’extirper les rancurs inutiles ». Pour l’instant, le chef de l’État centrafricain n’a pas réagi. Mais il s’apprête tout de même à envoyer à Lomé son ami évangéliste, le pasteur Zokoué.
Aujourd’hui, Ange-Félix Patassé est sous le coup d’une condamnation par contumace à vingt ans de travaux forcés, ce qui ne facilite pas le dialogue. En attendant une éventuelle amnistie, l’entourage de Bozizé s’interroge. Pourquoi Patassé a-t-il lancé son appel à la veille du retour de Miskine à Bangui ? Kadhafi serait-il derrière ? Il est vrai que, jusqu’en 2003, Patassé et Kadhafi étaient alliés contre le rebelle Bozizé. Seule certitude, Abdoulaye Miskine n’a pas mis le cas Patassé sur la table des négociations en vue de son retour. Pour le reste Un proche du président centrafricain confie : « Depuis quelques semaines, les choses vont trop vite. »

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