La France, l’Afrique et une autre vie

Publié le 14 février 2007 Lecture : 2 minutes.

Voilà. Comme tous les deux ans, à la même époque, et cette fois-ci à Cannes, ville toute bourgeoise de la Côte d’Azur, paradis des retraités, des mafieux rangés et du festival de cinéma, c’est l’heure du sommet Afrique-France. L’heure de cette réunion de famille unique, façonnée par une histoire coloniale déjà ancienne. Une réunion étrange aussi, avec, d’un côté, un président blanc, européen, premier citoyen d’une puissance riche mais tout de même moyenne, d’à peine plus de soixante millions d’habitants. Et, de l’autre, une vraie tour de Babel, une bonne trentaine de chefs de toutes les couleurs, représentants d’un continent immense, multiple, de plus 800 millions d’habitants, un monde à part, à la fois chaotique, désespéré et prometteur. Symboliquement, visuellement (la fameuse photo de « famille »), c’est toujours surprenant. Ici, la France incarnée. Là, l’Afrique, la grande Afrique, démultipliée
On espère qu’il fera beau, que les hôtels seront à la hauteur de la réputation française, on se fera des grands sourires, plus ou moins de circonstance, et on saluera avec plus ou moins de chaleur le départ du Grand Jacques, dont on peut se douter que cette affaire est sa dernière grande sortie internationale. On dira probablement deux choses de tout cela. Un, que la France-Afrique est mourante, inutile, dépassée, ringarde, has been, que l’Afrique ne vaut pas un kopeck de business. Deux, que Jacques Chirac, c’est l’échec, douze ans de pouvoir impuissant, de rendez-vous manqués, bref, le looser.
Je ne sais pas

La France-Afrique, celle de papa, celle des réseaux, du copinage et du postcolonialisme est morte, c’est clair. Les Africains n’ont plus le regard vissé sur Paris. Ils voient plus loin, vers Pékin, Shanghai, Rio, Johannesburg, ils s’émancipent petit à petit. La croissance reprend. Pour de nombreuses industries, le continent, c’est la dernière grande frontière. Une France-Afrique modernisée, renouvelée, allégée, a encore du sens. Elle a du sens surtout pour la France, cette grande nation fatiguée qui a besoin de profondeur internationale, qui a besoin d’un champ d’action hors des imbroglios européens, qui veut s’assurer un rôle de puissance internationale indépendante. Elle a du sens pour un pays qui, contrairement à ce que dit un certain candidat, gagne de l’argent sur le continent, avec lequel le solde de ses échanges est largement excédentaire.

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Et puis, il y a Jacques Chirac qui s’en va.
Il n’aura pas été un grand président, c’est sûr, mais, au fond, que pouvait-il faire avec cette France si rétive, si frileuse, si colérique, angoissée et frustrée ? Mitterrand, si brillant, si fin, avait lui aussi abandonné la bataille dès 1988. Chirac aura été un homme politique coriace et habile, mais le président incertain d’une nation profondément en crise. Et l’on souhaite bien du plaisir à son successeur (homme ou femme) pour nous montrer le chemin de la renaissance.
Un homme qui s’en va, c’est toujours quelque chose d’émouvant.
Il l’a dit à la télé, le président, chez l’indestructible Michel Drucker : « Il y a une vie après la politique. Il y a une vie jusqu’à la mort »

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