Mali : quand les femmes aidaient à renverser Moussa Traoré
Il y a tout juste trente ans, le 26 mars 1991, le régime de Moussa Traoré tombait après des semaines de manifestations violemment réprimées et un coup d’État mené par un jeune officier, Amadou Toumani Touré. Une séquence dans laquelle des femmes, engagées et très politisées, ont joué un rôle essentiel et méconnu.
« Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours lutté », glisse Bintou Maïga. Greffière à la retraite, cofondatrice du Collectif des femmes du Mali (Cofem), elle est aussi la présidente d’honneur du Parti pour la renaissance nationale (Parena). « Mon père était syndicaliste, poursuit-elle. Il a participé à la grève des cheminots de 1947 et il militait au sein de l’US-RDA [l’Union soudanaise-Rassemblement démocratique africain]. C’est donc naturellement que, dès la fin des années 1970, je me suis engagée contre le pouvoir des militaires au sein de l’Union nationale des élèves et étudiants du Mali. » Trente ans plus tard, Bintou Maïga demeure l’une des figures emblématiques de la lutte qui a conduit à la chute de Moussa Traoré, arrivé au pouvoir par les armes, en novembre 1968, après avoir renversé le père de l’indépendance du Mali, Modibo Keïta.
« Modibo Keïta était porteur d’un rêve qui s’est dissous au fil des années. Lorsqu’il le renverse, Moussa Traoré est un homme populaire qui n’a que de 32 ans, explique Niandou Touré, enseignant-chercheur à l’université des sciences juridiques et politiques de Bamako. Mais les années Moussa Traoré, ce sont aussi celles des prisons où sont enfermés les condamnés aux travaux forcés. Et les circonstances de la mort de Modibo Keïta ne sont toujours pas élucidées. Pour les populations du Nord, cette période est marquée par la violence et des répressions de certains gouverneurs. Sans oublier la grande corruption, alors qu’il s’était présenté comme celui qui allait assainir les finances publiques. »
Les femmes en première ligne
Le désir de multipartisme se fait donc de plus en plus pressant. Contesté par les partis clandestins, les organisations syndicales et les associations, le pouvoir de Moussa Traoré est rudement mis à l’épreuve à la fin de l’année 1990. Sa chute, qui survient finalement le 26 mars 1991, est l’aboutissement de plusieurs mois de manifestations, dans lesquelles les femmes, souvent très politisées, étaient en première ligne.
Plusieurs d’entre elles ont raconté leur engagement dans Mars des femmes, 1991 – Chronique d’une révolution malienne. De Sanaba Sissoko, seule femme du comité de rédaction des Échos en 1991 et membre d’un mouvement politique clandestin, à Rokia Sanogo, l’un des fondatrices du Congrès national d’initiative démocratique (CNID) créé en octobre 1990 et qui fut à l’origine de la manifestation du 10 décembre, en passant par Sy Kadiatou Sow, présidente de l’Adema Association, elles ont ont été très actives.
Nous voulions la démocratie et la fin du monopartisme intégral, pas fondamentalement le renversement du régime », se souvient Adame Ba Konaré
« Les manifestations ont commencé en décembre et sont allées crescendo à partir de janvier. J’étais tout le temps dans la rue, se souvient Adame Ba Konaré, historienne et ancienne première dame du Mali. Nous voulions la démocratie et la fin du monopartisme intégral, pas fondamentalement le renversement du régime ». Adame Ba Konaré militait au sein d’Adema Association. « Pour tous ceux qui comprenaient les enjeux de ce qui était en train de se passer, hommes ou femmes, il était nécessaire de se mobiliser », dit-elle. C’est à cette époque qu’elle et d’autres femmes se réunissent pour constituer le noyau dur qui formera le Cofem. L’idée : mobiliser les femmes contre le régime et faire contre-pouvoir à l’Union nationale des femmes du Mali (UNFM), seule organisation officiellement autorisée et dirigée par Mariam Traoré, l’épouse du président. « Nous avons effectué un travail rigoureux de proximité et nous nous étions réparties les quartiers afin de sélectionner des invitées », se souvient Adame Ba Konaré.
Vendredi noir
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