Comment Bolloré a remporté le contrat du port de Tema
Selon un rapport confidentiel, les termes de la concession remportée par le groupe français sont biaisés en défaveur d’Accra. Bolloré dément fermement indiquant « avoir mis en œuvre un partenariat public-privé équilibré qui a permis à l’État ghanéen de se doter d’une infrastructure performante sans aucun recours à l’endettement public ».
Dans cette affaire, qui concerne la gestion du port ghanéen de Tema, deux versions s’opposent. Le port en question, 18e et dernier-né des infrastructures gérées par le groupe de Vincent Bolloré en Afrique de l’Ouest, est exploité par une coentreprise, Meridian Port Services (MPS), détenue à 70 % par un consortium constitué de Bolloré Transport and Logistics et APM Terminals et à 30% par le gouvernement ghanéen.
Or, et c’est la première version de l’histoire, selon le journal basé à Londres Africa Confidential, un rapport confidentiel remis aux ministres ghanéens en février 2018 affirme que les termes l’accord de concession entre Meridian et l’État sont contraires aux intérêts du Ghana. Une situation héritée par Nana Akufo-Addo, qui a battu le président Mahama en décembre 2016.
Procédure de gré à gré
Selon ce document, dont Africa Confidential a rendu publique une copie, Bolloré et ses partenaires auraient, en doublant l’estimation de l’investissement prévu, obtenu 832 millions de dollars d’exonérations fiscales, réduisant ainsi le montant reçu par le gouvernement ghanéen au cours de la procédure de gré à gré. Ils auraient aussi réduit « subrepticement » la participation du gouvernement ghanéen au sein de la coentreprise – passée de 30 % à 15 %.
Des critiques rejetées en bloc par le groupe Bolloré, qui présente une toute autre version de l’affaire, la seconde. Rappelant que la concession a été attribuée en 2004 à l’issue d’un appel international à propositions lancé en 2003, l’opérateur français explique que cette concession a ensuite fait l’objet d’un avenant en 2015 pour poursuivre le développement de l’infrastructure.
« Cet avenant au contrat, conclu dans le respect du code des marchés publics ghanéen, a permis la réalisation du plus grand investissement portuaire de la côte ouest-africaine », souligne Bolloré, précisant qu’un tel projet, réalisé avec le concours de bailleurs de fonds de référence (l’IFC) et de banques internationales (ICBC, Bank of China et FMO) « ne peut souffrir de surévaluation » et « est séquencé en plusieurs phases avec des investissements supplémentaires en travaux d’infrastructures et équipements, mais aussi en développement de la capacité opérationnelle ».
« Après la mise en service d’un nouveau quai en juin 2019, comme prévu dans le contrat, un quatrième est en cours de finalisation et devrait être livré en septembre 2021 », précise encore le groupe mettant en avant une croissance moyenne annuelle de 9% des volumes de conteneurs traités au port de Tema qui a permis d’atteindre plus d’1,1 million EVP en 2020.
Renégociation immédiate et soigneuse
« Les recettes fiscales et douanières de l’État du Ghana sont en augmentation, contrairement aux estimations diffusées par les détracteurs de MPS avec une meilleure sécurité des opérations dans l’enceinte portuaire comme indiqué à de nombreuses reprises par l’autorité fiscale ghanéenne, la Ghana Revenue Authority », insiste le groupe français pointant que le Ghana dispose toujours de 30% du capital de MPS conformément aux dispositions contractuelles.
Le rapport critique de 2018, dénonçant des conditions « gravement préjudiciables au gouvernement et au peuple ghanéens », préconisait une renégociation immédiate et soigneuse du contrat. Or, cela n’a pas été le cas.
« Ces performances expliquent sans doute pourquoi près de trois ans après la remise du document du comité interministériel aux membres du gouvernement, les recommandations de renégociation n’aient pas été suivies d’effet », ajoute le groupe français.
Au cours de son enquête, Africa Confidential a contacté Titus-Glover, qui avait présidé la commission d’enquête ayant réalisé le rapport. Ce dernier a décliné la demande d’entretien, renvoyant les journalistes à son supérieur, le ministre des Transports Kwaku Ofori Asiamah. « Nous avons envoyé au ministre une liste de questions mais n’avons reçu aucune réponse », précise le média britannique.
Le journal s’est également heurté au silence de Mohammed Samara et de Frank Ebo Brown, respectivement directeur général et avocat de MPS.
L’infrastructure portuaire de Tema, située à environ 25 km de la capitale Accra, dessert l’arrière-pays du Burkina Faso et du Mali. Son nouveau terminal à conteneurs, dont le coût est estimé à 1 milliard d’euros, a lancé ses activités fin juin 2019.
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