Sénégal – Diary Sow : « Soyons des féministes épanouies ! »

La jeune Sénégalaise dont la disparition début janvier avait mis le pays en émoi est intervenue lors d’un forum organisé à Saint-Louis, le 25 mars. Elle y a dénoncé l’ordre patriarcal et un modèle d’éducation féminine dont elle veut s’affranchir.

Diary Sow, lors de la dédicace de son roman « Sous le visage d’un ange ». © Capture d’écran éditions L’Harmattan

Diary Sow, lors de la dédicace de son roman « Sous le visage d’un ange ». © Capture d’écran éditions L’Harmattan

Publié le 26 mars 2021 Lecture : 3 minutes.

Quand son visage apparaît à l’écran, dans la salle de conférence, nombreuses sont les participantes, très largement majoritaires, à sortir leur téléphone portable pour immortaliser l’instant. Diary Sow, l’étudiante et autrice dont la disparition a occupé la une des journaux sénégalais pendant plusieurs semaines, provoquant une vague d’inquiétude au sein de l’opinion publique qui s’est parfois muée en flot de récriminations lorsque la jeune femme a été « retrouvée », quelques semaines plus tard, intervenait en visioconférence dans le cadre du « Forum exclusivement féminin ».

L’évènement, organisé jeudi 25 mars par l’Institut français de Saint-Louis, se définit comme une « plateforme de rencontres, d’échanges, d’initiatives, de formation entre femmes autour des trois domaines : entrepreneurial, littéraire et numérique ».

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Diary Sow y est invitée à s’exprimer en qualité d’autrice. Sous le visage d’un ange, son second roman, a été publié aux éditions L’Harmattan le 16 janvier dernier, quelques jours avant que la jeune femme ne donne à nouveau signe de vie, expliquant avoir voulu « prendre une pause pour retrouver [ses] esprits ». Mais son intervention se mue en un réquisitoire en règle contre les carcans du paternalisme en général et les pesanteurs de la société sénégalaise en particulier.

Polygamie et violences

Lisant le texte qu’elle a préparé à l’avance, elle explique à son auditoire avoir écrit, au départ, « pour [sa] satisfaction personnelle ». Mais très vite, le ton se fait militant. « J’ai observé les femmes dans mon entourage, elles étaient en quelque sorte le reflet de mon moi futur. C’était les modèles que j’étais censé suivre, des modèles supposés parfaits », raconte-t-elle, citant, parmi les « qualités » que proposaient ces modèles, « la loi du silence », le « stoïcisme » et  « l’acceptation facile des choses », comme autant de « bases de l’éducation féminine sénégalaise ».

Nous ployons sous le poids de nos religions, de nos traditions, nous nous oublions face aux normes, aux injonctions »

« Je me suis rendu compte, avec la maturité, que ce modèle imposé à toutes les jeunes filles de mon pays n’était pas sans faille et que je n’étais pas vraiment certaine de vouloir m’y conformer, poursuit-elle. J’ai commencé donc à noter des injustices, des inégalités. À lire des romans sénégalais sur la condition de la femme dans notre société. Des romans qui pointaient un doigt accusateur sur la polygamie – comme Une si longue lettre –, la misogynie, le mariage précoce, le décrochage scolaire, l’apologie du viol, de la pédophilie. Des romans qui peignaient la femme comme objet sexuel, objet de commerce, objet de manipulation, objet torturé, malmené, piétiné. »

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Une littérature qui, continue la jeune femme « dérange, notamment parce qu’elle remet en cause les équilibres de notre société et l’ordre patriarcal établi et dominant et [l]’a poussée à revoir les motivations de [son] écriture ».

« Il ne fallait plus écrire pour soi, mais pour les autres aussi. Pour améliorer, mieux, transformer les conditions des femmes, ne serait-ce qu’en refusant d’entrer dans les cases préétablies ». Et si elle juge que la société sénégalaise a « incontestablement progressé en matière de droits des femmes », c’est pour considérer aussitôt que « cette progression est encore peu suffisante si l’on considère les combats qui restent à mener : la polygamie abusive, les violences physiques et verbales, le sexisme, le viol… ».

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« Un risque à prendre »

« On est bien loin d’un monde où les femmes pourraient jouir librement de leurs biens, de leurs corps, prendre leur place dans les instances de décisions sans avoir à rendre des comptes sur leur habillement, leur idée, leur vie sexuelle », assène ensuite Diary Sow, enjoignant les jeunes femmes à « reprendre le flambeau » des combats féministes de leurs aînées.

« Nous sommes encore trop timides. Nous ployons sous le poids de nos religions, de nos traditions, nous nous oublions face aux normes, aux injonctions, aux carcans qui veulent nous enfermer », juge-t-elle. Quant à celles qui « veulent vivre leur vérité, et non celles qu’on leur impose » ? « Nous devenons les gueineu khet [« déracinées », en wolof] , les occidentales, marginalisées, apostrophées, stigmatisées. Mais c’est un risque à prendre. Il n’y a aucune honte, aucune peur à avoir à revendiquer la femme que l’on veut être », lance Diary Sow. Et de conclure : « Soyons des féministes épanouies, heureuses ! »

Le texte n’existe pour l’heure que sous forme d’une intervention en visioconférence.

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