Tout le monde est prêt !

Un plateau relevé, des affiches alléchantes, une organisation soigneusement préparée : la 24e CAN s’annonce plutôt bien.

Publié le 12 janvier 2004 Lecture : 6 minutes.

Pour la troisième fois de son histoire, après 1965 et 1994, la Tunisie va organiser la phase finale d’une Coupe d’Afrique des nations (CAN). Et, pour une fois, à moins d’une quinzaine de jours du coup d’envoi de l’épreuve, le 24 janvier, le suspense n’est pas de mise : tout est prêt depuis longtemps, et cette 24e édition devrait se dérouler sans couac majeur. La Tunisie dispose, avec l’Afrique du Sud, des infrastructures sportives
les plus modernes du continent. Son savoir-faire en matière d’organisation de grands événements est reconnu, et sa candidature a été logiquement préférée à celles du Malawi,
de la Zambie et du Zimbabwe, qui offraient peu de garanties. Le budget de la CAN 2004 20 millions de dollars, 15,6 millions d’euros est très inférieur à celui de l’édition
précédente, le Mali ayant dû construire plusieurs stades. Mais les 32 matchs de la compétition se joueront sur autant de sites (cinq) et sur six stades différents, à Tunis (arènes d’El-Menzah et de Radès), Sousse, Sfax, Bizerte et Monastir. « Nous aurions pu nous contenter de jouer à Tunis et à Sousse, comme il y a dix ans, déclarait en septembre 2003 Slim Chiboub, le président du Comité d’organisation de la CAN 2004 (COCAN), dans les colonnes du quotidien français L’Équipe. Mais nous avons voulu profiter de l’événement pour mettre à niveau un maximum d’infrastructures dans tout le pays »
Tous les regards seront tournés vers Radès, dans la banlieue sud de Tunis. Le stade du 7-Novembre, bijou high-tech de 60 000 places, dont l’architecture fait penser à celle du Stade de France (Saint-Denis), doit accueillir les principales affiches de la compétition : Tunisie-Rwanda, l’apparemment très déséquilibré match d’ouverture, le 24 janvier 2004 ; un quart et une demi-finale ; et, bien sûr, la finale du 14 février. L’enceinte, qui a coûté la bagatelle de 200 millions de dinars (132 millions d’euros), a
été inaugurée pour les jeux Méditerranéens de 2001. L’hébergement, qui constitue souvent le casse-tête des sélections qualifiées pour la CAN, ne suscite cette fois aucune crainte particulière. La Tunisie, pays touristique (5 millions de visiteurs par an), offre quantité d’établissements de standing. Et les journalistes étrangers 1 200 demandes d’accréditation sont parvenues au COCAN devraient pouvoir travailler dans les meilleures
conditions. Car, outre les salles de presse héritées des Jeux, les hôtels de la capitale ont subit un lifting en règle pour la tenue, à Tunis, les 5 et 6 décembre 2003, du sommet
« 5 + 5 » des pays de la Méditerranée occidentale. Les business centers ont été reliés à l’Internet haut débit, et toute la palette des moyens de communication modernes devrait être disponible pour faciliter une bonne couverture de l’événement. La sécurité n’a pas été oubliée. Les policiers tunisiens, champions d’Afrique en ce domaine, seront là pour dissuader des supporteurs fanatisés d’envahir les terrains ou de troubler les rencontres et pour empêcher la répétition des scènes déplorables qui ont émaillé l’édition 2000 au Nigeria et au Ghana. Personne ne s’en plaindra.
La Tunisie, qui souhaitait co-organiser avec la Libye la Coupe du monde 2010, entendait aussi faire de cette CAN 2004 une sorte de répétition générale pour dynamiser son dossier de candidature. Las ! Le comité exécutif de la Fédération internationale de football
association (FIFA), réuni à Francfort les 3 et 4 décembre 2003, s’est déclaré hostile à l’idée, officiellement trop difficile à mettre en uvre. L’opinion, qui ne s’était guère
enthousiasmée à l’idée de la candidature commune, a accueilli placidement cette fin de non-recevoir. La seule chose qui importe vraiment à ses yeux est de savoir comment va se comporter son équipe nationale pendant « sa » CAN… Et, de fait, à Tunis, officiels comme supporteurs gardent en mémoire le fiasco de 1994 : l’équipe, promise au dernier carré, sinon à la victoire finale, avait raté son entame et s’était fait sortir au premier tour. La suite de l’épreuve s’était jouée dans des stades aux trois quarts vides. Ce scénario catastrophe a relativement peu de risques de se reproduire cette année. Le groupe de la Tunisie est des plus facile : le Rwanda est novice à ce niveau, la Guinée
n’est pas précisément un épouvantail du football continental, et la République démocratique du Congo sera privée de son meilleur atout, le Monégasque Shabani Nonda, blessé. Les Aigles de Carthage devraient donc accéder sans encombre aux quarts de finale. De bon augure pour la suite de la compétition : un parcours réussi du pays organisateur est généralement gage de succès populaire et financier. Mais, malgré une politique de prix qui se veut attractive, avec les places les moins chères à 3 dinars pour les matchs de poule, toutes les rencontres ne feront pas le plein. Kenya-Mali, le 26 janvier à Bizerte, Rwanda-Guinée deux jours plus tard, à Bizerte toujours, pour ne citer que ces exemples, ont toutes les chances de se dérouler dans des enceintes quasi désertes. D’une édition à l’autre de la CAN, le même problème se pose avec les rencontres du premier tour.
Et on se demande s’il n’eût pas été judicieux d’instaurer un système d’abonnements pour fidéliser le public d’un stade et garantir une affluence minimale
Sur le plan du jeu, cette édition devrait offrir davantage de plaisir que la précédente. Les températures seront plus clémentes qu’au Mali, les joueurs auront moins de problèmes pour récupérer et enchaîner les matchs. Et ils pourront difficilement faire pire qu’en 2002 : à peine 48 buts avaient été inscrits, soit le plus faible total de réalisations depuis l’instauration de la formule à 16 équipes et 32 matchs, en 1994. Atteindrontils
pour autant les sommets de Burkina 1998 (91 buts marqués) ? Une chose est sûre, les grosses écuries seront moins tentées de s’économiser. Car cette CAN sera pour elles le seul grand rendez-vous de l’année, la prochaine Coupe du monde ne se jouant que dans deux ans, en Allemagne.
Un plateau relevé, quelques chocs intéressants au premier tour, des conditions idéales et une organisation techniquement sans faille apparente : cette 24e CAN promet. Mais il est peu probable qu’elle accouche d’une véritable surprise et qu’à son terme la hiérarchie du football africain s’en trouve modifiée. Au contraire. La compétition devrait encore
accentuer la fracture entre grands et petits, entre ceux qui peuvent aligner des bataillons de professionnels aguerris et les autres. « L’européanisation » des équipes africaines devrait se poursuivre, car, sommés d’obtenir rapidement des performances, les entraîneurs nationaux sont contraints de faire appel aux expatriés. Au détriment des joueurs évoluant dans des championnats locaux qui n’en finissent pas de dépérir. Et, comme les (faibles) moyens des fédérations africaines sont principalement tournés vers les équipes nationales (déplacements, logistique et salaires de l’encadrement), la formation, qui n’a jamais été le point fort du continent, bat de l’aile. Bien sûr, le football africain continue de produire sporadiquement des champions. Mais pour un Samuel Eto’o fils, combien de génies, de Ballons d’or potentiels passés au travers des mailles du filet et perdus pour le football ? Si l’Afrique veut se hisser au niveau de l’Amérique du Sud, voire de l’Europe, il est indispensable qu’elle mette en place un vrai système de détection et d’accompagnement des talents.
Est-il possible d’inverser la tendance ? Rachid Mekhloufi, l’ancien maître à jouer de Saint-Étienne, membre de la commission technique de la Confédération africaine de football (CAF), a sa petite idée sur la question. Pourquoi ne pas réserver les CAN qui se
jouent entre deux Coupes du monde à des équipes composées principalement de jeunes joueurs issus des championnats nationaux, avec la possibilité d’intégrer deux ou trois éléments professionnels en renfort, un peu à l’image de ce qui se fait pendant les jeux Olympiques ? Cette formule originale aurait l’avantage d’aider des groupes à se former, d’apprendre aux joueurs à évoluer ensemble sur une longue durée, et, surtout, permettrait
à la plus prestigieuse des compétitions africaines de football de se réconcilier avec sa base, les footballeurs africains qui jouent en Afrique

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