Afrique du Sud : moi, Mvelo, orpheline, violée, fille-mère…

Dans son deuxième roman traduit en français sous le titre « Enrage contre la mort de la lumière », la Sud-Africaine Futhi Ntshingila se permet d’osciller entre tragédie sordide et bluette optimiste.

Futhi Ntshingila, écrivaine et journaliste signe un deuxième roman remarqué en Afrique du Sud.

Futhi Ntshingila, écrivaine et journaliste signe un deuxième roman remarqué en Afrique du Sud.

NICOLAS-MICHEL_2024

Publié le 9 avril 2021 Lecture : 2 minutes.

La première phrase laissait imaginer une inexorable descente aux enfers : « Après l’enterrement de Sipho, les choses empirèrent peu à peu pour Mvelo et sa mère Zola. » Pourtant, Enrage contre la mort de la lumière (Do not go gentle, traduit par Estelle Flory, éditions Belleville, 210 pages, 19 euros) n’est pas un roman rongé par le désespoir comme l’Afrique du Sud en a tant produit.

Bien entendu, tous les ingrédients de la tragédie sociale sont réunis dans ce premier texte traduit en français de l’écrivaine Futhi Ntshingila : pauvreté, maladie, racisme, violence… Mais l’intrigue est portée par l’énergie du désespoir.

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Tout commence très mal, Zola se meurt lentement des effets du Sida et sa fille essaie du mieux qu’elle peut de la soutenir. « Mvelo était jeune, mais elle se sentait vieille comme une chaussure usée. Elle avait quatorze ans et son esprit quarante. Elle arrêta de chanter. Pour sa mère, elle essayait de toutes ses forces de rester optimiste, mais l’espoir glissait entre ses mains comme un poisson.

Elles se trouvaient déjà dans une situation difficile, lorsque quelqu’un du bureau de versement des pensions avait décidé de suspendre leurs aides sociales”, écrit l’autrice née en 1974 à Pietermaritzburg.

Promets-moi que tu ne feras aucun mal à la vie qui grandit en toi.

Et les choses ne vont pas s’améliorant : « Le dernier jour du renouveau de la foi, le révérend Nhlengethwa demanda à Mvelo de rester après le service. Il dit qu’il devait prier pour elle et lui donner la force de l’Esprit Saint afin que son don s’épanouisse. » Bientôt Zola remarque les courbes de Mvelo qui s’arrondissent et comprend que sa fille a été violée par l’homme de Dieu. Quelques jours avant de mourir, elle lui demande de ne pas sacrifier l’enfant : « Je vois ton estomac qui grossit, et les lignes et la couleur sur tes seins. Promets-moi que tu ne feras aucun mal à la vie qui grandit en toi. C’est une vie innocente. Et je lâcherai prise à une condition, que tu me promettes de ne pas les laisser me mettre dans une boîte. »

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Rébellion contre l’inéluctable

Zola meurt, mais Futhi Ntshingila n’entraîne pas la pauvre Mvelo dans les affres que l’on pourrait imaginer. Elle choisit de remonter le temps, à la recherche de personnages qui ont marqué la vie de la jeune fille. Il y a Sipho, homme généreux et incorrigible séducteur qui fut le dernier amour de Zola. Il y a l’étrange et complexe Nonceba Hlathi, « une Xhosa partie vivre aux États-Unis avec sa grand-mère afro-américaine, Mae ».

Il y a Cleanman, l’ami toujours disponible. Il y a le couple Steyn qui s’est installé à Durban pour lutter contre le VIH, apporter son aide aux jeunes en difficulté… et, peut-être, retrouver Nonceba, la fille de Johan Steyn, perdue de vue depuis des années. On l’aura dès lors compris, tous ces personnages vivant à peu près dans le même quartier seront un jour rassemblés, pour ceux qui sont encore de ce monde.

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Au fond, Enrage contre la mort de la lumière est à la fois un drame social explorant les fractures béantes de la société sud-africaine et une bluette optimiste où les héroïnes – surtout les héroïnes – parviennent à trouver la force d’affronter les démons du quotidien. Un roman de la résilience aux accents engagés.

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