Orage et brouillard sur le Golan

Le ministre israélien de l’Agriculture annonce une relance de la colonisation du plateau syrien. Démenti catégorique du vice-Premier ministre.

Publié le 12 janvier 2004 Lecture : 3 minutes.

Ariel n’eût pas été Sharon s’il n’avait pas marqué le changement d’année par une provocation. Répondant à sa manière aux ouvertures de paix du président syrien Bachar el-Assad (voir J.A.I. n° 2241-2242), le Premier ministre d’Israël laissa son ministre de l’Agriculture Israël Katz annoncer, le 30 décembre, une relance de la colonisation du plateau du Golan, occupé depuis 1967, puis (illégalement) annexé en 1981. Après trois jours de réflexion, le vice-Premier ministre Ehoud Olmert affirma à la BBC qu’en dépit des déclarations de Katz, il n’y avait aucun programme officiel d’extension des colonies du Golan.
La nouvelle avait pourtant semblé sans ambiguïté, tant dans sa substance que dans sa signification politique. Présidée par Israël Katz, la commission interministérielle à la colonisation, réunie le 30 décembre avec la participation de quatre autres ministres – Effi Eitam (lui-même un résident du Golan), Zevulun Orlev, Gideon Ezra et Benyamin Elon -, avait approuvé à l’unanimité un plan ambitieux prévoyant la construction accélérée de quelque 900 maisons dans les implantations agricoles du plateau syrien. Actuellement, 32 colonies, peuplées de 10 000 colons, y sont déjà établies. Le projet prévoyait d’en créer 9 de plus pour un coût initial de 60 millions de dollars. Selon le quotidien Yedioth Aharonot, après ces nouveaux investissements, la population du plateau devrait avoir doublé dans les trois ans à venir.
Quant au sens politique de cette décision, il est, à entendre Israël Katz, parlant le 31 décembre à la radio publique, sans ambiguïté : « Il s’agit d’envoyer un message clair : le Golan fait partie intégrante de l’État d’Israël, qui n’a pas l’intention d’y relâcher son contrôle ; tout au contraire, nous allons continuer à y développer les implantations. » Et son porte-parole, Benni Rom, de renchérir deux jours plus tard : « Pour le terroriste Assad, le message est aussi qu’il y a un coût à l’hébergement des terroristes. »
Mais, dans le même temps, ledit « message », comme il était à prévoir, soulevait la tempête. À Damas, d’abord, où un porte-parole du gouvernement observa que le plan israélien « bloquait toute inclination ou initiative visant à aboutir, dans la région, à une paix juste et complète ».
En France, ensuite, où le ministère des Affaires étrangères pressa Israël d’abandonner un plan qui « compromettrait la recherche de la paix ».
À Washington, enfin, le porte-parole du département d’État, Adam Ereli, rappela que la politique américaine avait toujours été hostile à toute activité de colonisation dans les territoires dont le statut final n’avait pas été déterminé par des négociations. Et d’ajouter que les États-Unis prônent de telles négociations directes entre Israël et la Syrie pour résoudre le problème du Golan.
Face à l’orage, et fidèle à sa tactique habituelle, Sharon commença par louvoyer sans souci des contradictions. Tout en se montrant favorable au programme, il fit savoir qu’il avait des réserves sur la manière de le présenter comme « ayant une signification diplomatique » et visant notamment à « rendre plus difficile le retour du plateau à la Syrie ». Et l’un de ses porte-parole d’expliquer que le Premier ministre regrettait que le plan de développement rural fût exploité d’une manière tendancieuse à des fins politiques. « Le programme en question, poursuivit-il, a été présenté pour examen au Conseil des ministres dès le 20 octobre dernier et aucune remarque n’a été faite. » Et d’ajouter, sans rire, que « des plans identiques ont été adoptés sans problèmes dans le passé, notamment pour le Neguev et la Galilée » (sic).
Ces explications embarrassées ne satisfirent personne, et notamment Washington, à qui Israël assura que les déclarations de Katz ne devaient pas être considérées comme une réponse aux commentaires du président syrien sur une reprise des négociations de paix avec Israël. Le 2 janvier, le département d’État constatait qu’Israël n’avait pas fourni de réponses suffisantes aux questions touchant le programme de colonisation : « Nous avons reçu une réponse, observa son porte-parole, mais nous n’avons pas reçu de clarification. »
C’est dans ce contexte qu’Ehoud Olmert décida d’intervenir, pour tenter de mettre fin à l’orage, mais sans autre résultat que d’y faire succéder le brouillard : « Toutes les informations sur une importante extension des constructions israéliennes sur le plateau du Golan sont fausses, n’a-t-il pas hésité à dire : ce genre de programme n’existe pas. Le gouvernement ne l’a pas approuvé et les publications à ce sujet ont été exagérées. »
La seule conclusion imaginable semble avoir été tirée par le président du parti de gauche Meretz, Yossi Sarid : « Ou bien Sharon dit la vérité et il doit alors limoger Katz. Ou bien le ministre de l’Agriculture dit vrai et c’est Sharon, au courant de tout, qui doit lui-même démissionner. »

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