À l’assaut du mont Cameroun

Grands habitués du rendez-vous et « petits nouveaux » se livreront des combats acharnés pour détrôner le champion en titre. État des forces en présence.

Publié le 12 janvier 2004 Lecture : 8 minutes.

Ils seront seize à table, le 24 janvier, pour ce grand banquet biennal qu’est la Coupe d’Afrique des nations (CAN). Trois d’entre deux, le Bénin, le Rwanda et le Zimbabwe, participeront pour la première fois au festin. Au copieux menu, trente-deux matchs, dont, en guise de hors-d’oeuvre, une ouverture inédite : Tunisie-Rwanda. Le signal de départ des festivités sera donné devant les 60 000 spectateurs du stade du 7-Novembre, à Radès. Tout comme leur clôture, le 14 février. Ces retrouvailles du football africain marqueront le retour du Kenya (présent en 1972, 1988, 1990 et 1992) ou de la Guinée (présente en 1970, 1974, 1976, 1980, 1994 et 1998). En revanche, seront absents deux grands habitués : le Black Star du Ghana (quatorze participations et quatre titres), écarté par le Rwanda, et les Éléphants de Côte d’Ivoire (quinze participations, une victoire), éliminés par les Bafana Bafana sud-africains. Bien sûr, tous tenteront de détrôner le Cameroun, champion en titre.

Les Lions indomptables sous pression
Les Lions indomptables vont, plus que l’ensemble de leurs rivaux, bénéficier de l’attention de tous les observateurs. Avec leur armada de glorieux expatriés, ils devront
faire preuve de panache face aux Pharaons d’Égypte, à l’équipe d’Algérie et aux coriaces footballeurs du Zimbabwe. De toutes ses rivales, la sélection du Cameroun est la seule à avoir le même encadrement technique depuis deux ans. L’Allemand Winfried Schäfer, quelque peu déstabilisé par la piètre campagne de ses troupes au Mondial 2002, a repris des couleurs en accédant à la finale de la Coupe des confédérations, jouée en France en juin 2003.
A priori, on retrouvera en Tunisie beaucoup de visages familiers : Rigobert Song, Lucien Mettomo, Bill Tchato et Pierre Njanka en défense ; Olembé Salomon, Geremi Fotso Njitap et Éric Djemba-Djemba au milieu ; Samuel Eto’o et Pius Ndiefi en attaque. Sont venues se
greffer de nouvelles têtes comme les arrières Timothée Atouba et Jean-Joël Perrier-Doumbé ; les demis Modeste Mbami, Valéry Mezague, Marcus Mokake et Jean Makoun ; et les avants Idrissou Oumarou, Achille Emana ou Joël Epalle. Sans oublier l’impressionnant
portier Carlos Kameni et sa doublure et homonyme Mathurin Kameni. C’est dire que les Lions
indomptables ont des qualités techniques et des potentialités physiques à revendre. Leur atout majeur reste une indicible confiance collective, consolidée par la dramatique
disparition de leur camarade Marc-Vivien Foé. Alors, favorites les troupes de Schäfer ?
En tout cas, pour espérer remporter le trophée, il faudra d’abord vaincre le mont Cameroun

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Quand le Sénégal, le Burkina et le Nigeria battent le rappel des troupes
Le même devoir de briller attend les Lions du Sénégal, finalistes de la CAN 2002 à Bamako, héroïques en Asie la même année, et dont tout un peuple espère le couronnement.
Terrible et exaltant enjeu pour El Hadji Diouf et ses coéquipiers. Le technicien français Guy Stephan, qui a pris la succession de son compatriote Bruno Metsu, s’est attaché à mieux connaître tous les Lions du Mondial 2002, éparpillés dans les championnats européens. Il y a les « Anglais » Salif Diao, El Hadji Diouf, Henri Camara, Aliou Cissé
ou Lamine Sakho, les « Français » Tony Sylva, Omar Daf, Malick Diop, Lamine Diatta, Papa Bouba Diop, Pape Thiaw, Habib Beye, Moussa Ndiaye, Sylvain Ndiaye, l’« Italien » Ferdinand Coly… Manqueront en revanche à l’appel le demi Amdy Faye et l’excellent gaucher Khalilou Fadiga, en repos forcé depuis qu’il a quitté au mois de juillet l’AJ
Auxerre pour l’Inter de Milan. Une absence qui oblige Stephan à rééquilibrer l’équipe. En aura-t-il eu le temps ? Réponse dès le 26 janvier face aux véloces Étalons du Burkina Faso.
Ceux-ci se sont d’ailleurs montrés assez percutants lors des éliminatoires et font partie, depuis 1996, des abonnés au rendez-vous continental. Tant bien que mal, les
Étalons essaient de faire avec leurs handicaps : instabilité de l’encadrement et incertitudes tactiques…
De leur côté, les Super Eagles du Nigeria n’ont pas encore digéré leurs échecs de la CAN et du Mondial 2002. Christian Chukwu, l’ancien capitaine de l’équipe championne d’Afrique en 1980, est aujourd’hui à la barre, mais il n’a pas vraiment la cote auprès des
dirigeants de la Nigeria Football Association (NFA), qui ont voulu le remplacer par l’Anglais Bryan Robson, proposant à celui-ci un salaire mensuel de 50 000 dollars. Le veto du ministre de tutelle a fait grincer des dents quelques stars déclinantes comme Austin « Jay Jay » Okocha et Nwankwo Kanu. L’attaquant Julius Aghahowa ne se gêne pas pour sonner l’alarme : « Nous n’avons pas d’équipe pour défier le Cameroun ! » Encore peuvent-ils compter sur de redoutables chasseurs de buts comme Yakubu Aiyegbeni et Victor Agali

Nouveaux entraîneurs pour l’Algérie, l’Égypte et le Maroc
Après avoir limogé Rabah Madjer puis le Belge George Leekens, l’Algérie a rappelé un vétéran en la personne de Rabah Saadane, l’homme de la peu glorieuse campagne du Mondial 1986. Le revenant semble travailler dans la sérénité, opérant un savant mélange de joueurs locaux et d’expatriés. De quoi rassurer les supporteurs algériens qui envahiront Sousse, mais certainement pas de quoi retrouver le rang des années 1980-1990.
En Égypte, les Pharaons ne sont plus entraînés par le mythique Mahmoud al Gohary, mais par son compatriote Mohsen Saleh. La réussite des footballeurs du Nil est en dents de scie. L’effectif comprend des expatriés de talent comme le « Marseillais » Mido, et puise dans les rangs des clubs phares Al Ahly, Zamalek et Ismaïlia. Le style reste agréable à l’il, la technique individuelle et collective sans déchet. Reste à lever les incertitudes sur les choix tactiques et la solidité morale de l’équipe
Pour le Maroc, la désillusion de la CAN 2002 est oubliée. Les autorités sportives ont tourné la page Humberto Coelho et confié la sélection au héros du Mondial 1986, l’ancien gardien de but Badou Zaki. Ce dernier a opéré des changements graduels en piochant dans un fort contingent d’expatriés. Autour de l’incontournable tour de défense Noureddine Naybet, unique rescapé de la génération 1990, on mise sur des professionnels comme
Abdellilah Fahmi, Abdesslam Ouaddou, Youssef Safri, Youssef Hadji, Nabil Baha ou Jaouad Zaïri. Les Marocains prendront-ils au sérieux ce rendez-vous ?

L’heure de vérité pour l’Afrique du Sud, le Mali, la Guinée et la RD Congo
La même question se pose à propos des Bafana Bafana. Champions en 1996, finalistes en 1998 et troisièmes en 2000, les Sud-Africains ont échoué au Mali deux ans plus tard. L’entraîneur portugais Carlos Queiroz est depuis parti au… Real Madrid. Au Mondial 2002, Jomo Sono a conduit une formation rajeunie et au jeu assez bien léché. Son successeur, Ephraïm « Shakes » Mashaba, a assuré la continuité en dépit des difficultés
rencontrées avec les titulaires « européens ». Le onze sud-africain s’appuie d’ordinaire sur une ligne de défense efficace, composée de valeurs sûres comme Mark Fish, Bradley Carnell, Aaron Mokoena et Tony Coyle, et compte sur les coups de boutoir de ses demis Steven Pienaar, Bennet Mnguni et John Moshoeu et de ses attaquants Siyabonga Nomvete et
Sibusiso Zuma.
Quatrièmes en 2002, les Aigles du Mali ambitionnent de faire mieux en Tunisie. Eux aussi ont changé d’entraîneur. L’ex-Marseillais Henri Stambouli a remplacé le Franco-Polonais Henri Kasperczak, après l’intermède Christian Dalger. Pour le reste, l’effectif n’a pas connu de bouleversement. Sont encore en piste les « Européens » Mahamadou Diarra, Sammy Traoré, Touré Bassala, Seydou Keita, Mamadou Bagayoko et Soumaïla Coulibaly, auxquels
s’ajoutent les « Nord-Africains » Dramane Traoré ou Soungalo Diakité et surtout le talentueux buteur de Tottenham Frédéric Kanouté. Bref, là aussi les expatriés garantissent, à défaut de panache, un certain savoir-faire tactique. Face à leurs adversaires du groupe B Burkina Faso, Kenya et Sénégal , les Aigles pourront démontrer leur esprit de corps, leur solidité et leur combativité.
Aux yeux des supporteurs du Sily de Guinée, les héritiers des immortels Chérif Souleymane, Maxime Camara et Petit Sory sont tenus d’accéder au moins aux demi-finales et
de faire, à Tunis, aussi bien que leurs aînés, vice-champions en 1976. Confiée au technicien français Michel Dussuyer, la nouvelle génération compte sur le talent de ses
deux surdoués jouant en France, Pascal Feidouno et Fodé Mansaré. Mais, pour franchir les étapes, peutêtre celle-ci aura-t-elle besoin de gagner en endurance.
Les Simba de la RD Congo abordent leur huitième participation consécutive à la phase finale de la CAN dans l’incertitude, sous la conduite du Britannique Mick Wadsworth, qui dirigeait auparavant Huddersfield Town, un club anglais de division III. En poste depuis la mi-novembre 2003 seulement, Wadsworth a-t-il eu le loisir de mieux connaître ses joueurs et de les impliquer dans un projet collectif ? Difficile à dire tant les sélectionnables viennent d’horizons divers (Europe et Afrique du Sud). On pourrait retrouver à Tunis le portier Paulin Tokala, les défenseurs Cyrile Mubiala, Nduti Liswa, Bageta Dikilu et Kuzulu Alu, les demis Trésor Luntala et Mazowa Nsumbu, Trésor Lua Lua et Alain Masudi, et les attaquants Mbala Biscotte, Michel Dinzey, Pitchou Matumona Rumm,
Kabamba Mussasa et Merlin Mpiana. Attention toutefois aux coups de griffe des Simba, touchés dans leur amour-propre. Ils peuvent faire mal, très mal, même en l’absence du
goleador Shabani Nonda gravement blessé au genou.

Les « petits » n’ont peur de rien
La prudence est de mise chez les Harambee Stars du Kenya, les Warriors du Zimbabwe, les sélections du Rwanda et du Bénin. La préparation est discrète, mais ces « petits » ont moins peur des « gros » maintenant qu’ils ont à leur tour « professionnalisé » leur préparation à coups de millions de dollars ou de francs CFA. Le Bénin a ainsi prévu un budget de 2,3 milliards de F CFA. Les Écureuils sont d’ailleurs en progrès depuis l’arrivée du coach ghanéen, « sir » Cecil Jones Attuquayefio. Si le buteur Oumar Tchomogo (France) promet une surprise à leurs adversaires du groupe D Nigérians, Sud-Africains et Marocains , son coéquipier Damien Chrysostome (Italie), plus sage, déplore l’instabilité de l’effectif. « Nous attaquons bien, mais nous ne savons pas défendre, reconnaît-il. Il ne faudrait pas que nos supporteurs pensent que le Bénin est devenu le Brésil et qu’il doit gagner tous ses matchs. »
Le coach kényan, Jacob « Ghost » Mulee, s’appuie pour sa part sur des éléments sûrs comme Musa Otieno (Afrique du Sud) et Walter Odebe, mais aussi sur la révélation de l’année
2002, le jeune attaquant Dennis Oliech (Qatar), sur les « Belges » John Muiriri et Robert Mambo, et les « Suédois » Bonaventure Maruti, Evans Nyabaro et John Baraza.
Les Rwandais, tombeurs du Black Star du Ghana, doivent quant à eux leurs progrès aux enseignements du Serbe Ratomir Dujkovic. Ils comptent dans leurs rangs quatre « Belges » : Claude Kalisa, Désiré Mbonabucya, Pape Mayele et Hamid Ndikumana. « Nous ne gagnerons pas la CAN, déclare le général Caesar Kayizari, président de la Fédération rwandaise de football, mais nous n’allons pas en Tunisie pour nous couvrir de honte. »
Les « Guerriers » du Zimbabwe ont arraché leur billet pour Tunisie 2004 grâce aux recettes concoctées par le coach Sunday Marimo et à l’efficacité de leur attaquant, l’« Anglais » Peter Ndlovu (cinq buts sur huit au compteur de la sélection). Marimo a réussi là où de nombreux techniciens européens avaient échoué. Pour affronter les Lions indomptables, il mise d’abord sur les titulaires locaux Energy Murabadro, Dumisani Mpofu
ou Albert Mbano, ensuite sur les « Sud-Africains » Adam Ndlovu, Kaitano Tembo, Charles Yohane, Tinashe Nengomasha, Edzai Kasinauyo et Shingirai Kawondera, le « Serbe » Mike Temwanjira, le « Chypriote » Joel Luphahla, le « Tchèque » Kennedy Chihuri et l’« Allemand » Newton Katanha.
Tous les amoureux du ballon rond s’apprêtent donc à suivre avec passion cette 24e édition de la CAN, la dernière sous cette formule puisque la compétition continentale et la
Coupe du monde feront route commune dès 2006. Les plus fortunés débarqueront en Tunisie pour la fête. Plus nombreux seront ceux qui s’installeront devant le petit écran.
Espérons que les techniciens ne brideront pas, pour des raisons tactiques, l’instinct offensif des vedettes africaines. Bref, que l’on recommencera à créer et à jouer devant

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