La bonne année ?

Les Aigles de Carthage ont retrouvé des couleurs. Reste à savoir s’ils peuvent, à domicile, gagner ce trophée qui leur échappe depuis sa création.

Publié le 12 janvier 2004 Lecture : 3 minutes.

Parfois placée, jamais gagnante : la Tunisie n’est toujours pas arrivée à mettre la main sur le trophée continental. Cette année, les Tunisiens aimeraient y croire, mais leur ambition est plus modeste : figurer dans le dernier carré de « leur » CAN. Un objectif à la portée du groupe entraîné par Roger Lemerre, l’ancien coach des Bleus. Habilement, le staff technique s’emploie, depuis quelques mois déjà, à dédramatiser l’événement. Les Aigles de Carthage ne sont jamais aussi bons que quand on ne les attend pas. Présentés comme moribonds en 1996, ils s’étaient hissés jusqu’en finale. Deux ans auparavant, grandissimes favoris d’une compétition organisée, déjà, sur leur sol, ils se faisaient sortir au premier tour sous les huées d’un public frustré.
L’obsédant souvenir de 1994 hante encore les supporteurs du onze rouge et blanc. Du côté de l’encadrement, en revanche, on jure que l’épisode est oublié. « Il faut arrêter de raconter des salades, explique Nabil Maâloul, l’adjoint de Lemerre. Jouer à la maison est un avantage, pas un handicap. » Zied Tlemçani, ancien attaquant de l’équipe nationale (et ancien coéquipier de Maâloul à l’Espérance de Tunis), pense lui aussi que le parallèle ne tient pas : « 1994 était un accident. À l’époque, on avait perdu la Coupe avant de l’avoir jouée. L’ambiance au sein du groupe était pourrie. Les joueurs avaient perdu confiance en leur entraîneur, et réciproquement, et l’équipe était scindée en plusieurs clans… Cette année, le groupe est sain et soudé, et il n’y a apparemment aucun problème. »
La sélection, à condition de réussir une bonne entame, a les moyens d’aller loin. Présente aux deux derniers Mondiaux, elle est l’une des plus régulières du continent. Elle a effectué une bonne préparation, en s’étalonnant face au Cameroun, au Sénégal, à l’Afrique du Sud, à la Côte d’Ivoire ou au Portugal. Malgré une contrariante avalanche de blessures, elle affiche un bilan honorable : sur les dix derniers matchs, une seule défaite, contre le Japon. Radhi Jaïdi, Riadh Bouazizi, Zied Jaziri, Kaïs Ghodbane et Mourad Melki sont des valeurs sûres. Et le Sfaxien Hatem Trabelsi, qui s’est affirmé depuis trois saisons à l’Ajax d’Amsterdam au poste de latéral, a le potentiel pour devenir une vraie star, même si ses performances en équipe nationale ne sont pas encore tout à fait à la hauteur de celles qu’il réalise d’ordinaire avec son club néerlandais. Blessé, il n’a pratiquement pas joué cette saison, mais devrait être rétabli pour la CAN. Sélim Benachour, lui, risque d’arriver à court de compétition, car il fait banquette au Paris Saint-Germain. La logique voudrait qu’un joueur qui ne joue pas en club ne soit pas aligné en sélection. Mais les Aigles peuvent-ils se passer de la vista d’un Benachour des grands jours ?
Solide en défense, la Tunisie est souvent critiquée, à raison, pour son manque de réalisme dans la surface de réparation. L’arrivée de Francileudo Santos, le buteur brésilien du FC Sochaux, tout juste naturalisé tunisien, devrait lui permettre de combler ce handicap. Le groupe, sous l’impulsion de Roger Lemerre, s’est ouvert aux joueurs de la diaspora formés en France, comme Adel Chedli (Sochaux) ou Alledine Yahia (Guingamp). Le Bastiais Chaouki Ben Saâda, sollicité lui aussi, a décliné l’offre après avoir subi des pressions de son club, peu enthousiaste à l’idée de le voir quitter la Corse pour cinq semaines.
Reste que si la Tunisie a été l’un des premiers pays à instaurer un championnat semi-professionnel, au début des années 1990, les structures n’ont pas évolué suffisamment rapidement. Après avoir dominé la scène continentale, avec les victoires du Club africain en Coupe des champions en 1991 et de l’Espérance de Tunis en 1994, les clubs tunisiens ont perdu en compétitivité. L’équipe nationale, dont l’ossature a longtemps reposé sur des joueurs locaux, en a pâti. Et ceux qui ont tenté l’aventure européenne n’ont pas toujours réussi. « Beaucoup sont partis trop tard et n’étaient pas prêts à affronter les difficultés inhérentes au professionnalisme, à gagner leur place, explique Zied Tlemçani. Et les clubs demandaient trop cher pour lâcher leurs joueurs. Les choses commencent à évoluer. Les exemples de Trabelsi ou de Bouazizi motivent les plus jeunes. Dans l’immédiat, le salut du football tunisien passe par l’expatriation des joueurs. Pour espérer rivaliser avec le Cameroun ou le Sénégal, la Tunisie doit disposer d’un réservoir d’une trentaine de joueurs dans les championnats européens. »

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