Du théâtre à la réalité sociale

Révélée dans « Fatou la Malienne », l’actrice guinéenne Mariam Kaba poursuit sa car rière entre grand et petit écran.

Publié le 12 janvier 2004 Lecture : 3 minutes.

Que nos mamans nous pardonnent : une mère indigne est ce qui se reconnaît le plus facilement au monde. Mariam Kaba en sait quelque chose. La comédienne guinéenne n’a jamais été autant accostée dans la rue qu’après sa prestation dans les téléfilms Fatou la Malienne et Fatou l’Espoir, du réalisateur français Daniel Vigne. Ces fictions, diffusées par la chaîne de télévision France 2, ont suscité une levée de boucliers dans la communauté malienne, qui s’est sentie visée. Fatou, née en France, est victime d’un mariage forcé. La mère, Mariam Kaba (Mme Kébé) est jugée complice du refus de sa fille. À Paris, Gare du Nord : « Oui, oui, c’est elle la mère de Fatou. Elle aussi fait partie de ceux qui gâtent notre nom ! » lâchent deux jeunes Soninkés à la comédienne. « C’est comme ça… », dit Mariam Kaba, fataliste. Le fait illustre la vie de l’artiste, entre les planches, l’écran et la réalité sociale. Reste à assumer : « J’ai lu le texte, puis rencontré la vraie Fatou, propriétaire de l’histoire. Et c’est en mère protectrice que j’ai accepté d’aller sur le plateau, souligne-t-elle. Je n’accepterai jamais que mon mari impose une décision similaire à notre fille. La tradition c’est aussi le respect de l’avenir de l’autre. Le cousin n’est plus celui qui protège forcément la nièce dans le ménage. »
Née à Kankan, en Guinée, Mariam Kaba est arrivée en France au début des années 1980. Après son baccalauréat, on l’a inscrite à l’École française des attachés de presse (EFAP). Mais si elle s’y est rendue, c’était plus pour satisfaire son père, Mohamed Ba Kaba, ambassadeur et auteur de plusieurs livres sur l’islam.
Aujourd’hui à l’affiche dans Paris selon Moussa de Cheick Doukouré, Mariam n’a traversé la rue Pierre-Charon, se trouve l’EFAP, que pendant une année. Elle se destinait à autre chose. L’argent que son père lui envoyait, elle le consacrait à des cours d’art dramatique. Sa vraie passion. Elle a suivi l’enseignement de la comédienne française, veuve de Jean Bouise, Isabelle Sadoyan. Elle s’est épanouie. Pour son premier rôle, elle a incarné Mme Toussaint-Louverture, aux côtés de Benjamin Jules-Rosette, directeur du Théâtre noir à Paris. Aussitôt, la télévision lui a ouvert ses portes avec la série Marc et Sophie. Le Franco-polonais Nicolas Ribowski l’a sollicitée ensuite pour Périgord noir, où elle joue Maïna, une jeune Africaine venue travailler avec sa communauté dans le Périgord.
Est venu ensuite le premier film africain. Son compatriote Cheikh Doukouré lui a confié le rôle de Sali dans Blanc d’ébène, une épopée sur la Seconde Guerre mondiale dans les forts africains. Recrutement et deuils dans les colonies. Mariam Kaba est une infirmière du village, fiancée à l’instituteur Lancéi Kanté. L’année suivante, dans Samba Traoré, du Burkinabè Idrissa Ouédraogo, elle partageait la vie du Malien Bakary Sangaré, aujourd’hui à la Comédie-Française.
En France, Mariam Kaba a joué dans plus d’une quinzaine de séries et téléfilms, dont Navarro, Villa mon rêve, l’Avocate, Quatre cents suspects et Justice de femmes. Cheikh Doukouré lui a ensuite confié le rôle d’une révoltée : dans l’église Saint-Bernard de Paris, Mariam Kaba défend ses frères sans papiers sous le regard médusé de Moussa, venu depuis l’Afrique acheter une pompe à eau pour son village.
Après l’écran, Mariam Kaba nourrit le rêve d’ouvrir un orphelinat dans son pays, la Guinée, où la présence des enfants sans famille la bouleverse à chaque descente d’avion. « Je prie le bon Dieu de me doter de meilleurs moyens, afin de les partager avec les laissés-pour-compte. »

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