Création de la Fédération du Mali

Publié le 12 janvier 2004 Lecture : 3 minutes.

« Notre réunion, dans cette salle des délibérations du Grand Conseil, est un acte de foi dans le destin d’une Afrique forte de l’union de tous ses membres sans discrimination d’aucune sorte. » C’est par cette phrase quelque peu pompeuse – les circonstances, il est vrai, s’y prêtent – que débute le discours d’ouverture de Lamine Guèye, sénateur-maire de Dakar, à l’Assemblée constituante de la Fédération du Mali, le 14 janvier 1959. Quarante-quatre délégués représentant quatre territoires, le Sénégal, le Mali, la Haute-Volta (futur Burkina Faso) et le Dahomey (qui prendra le nom de Bénin en 1975), sont réunis pour la circonstance dans la capitale de l’A-OF (Afrique-Occidentale française).
Après le discours de Lamine Guèye suivent les allocutions de Mahamane Haïdara Alassane, chef de la délégation du Soudan, de Maurice Yaméogo, président de l’Assemblée constituante de Haute-Volta, et de Léopold Sédar Senghor, chef de la délégation du Sénégal. Tous exaltent les mérites d’une union des peuples d’Afrique de l’Ouest. Senghor, avec le lyrisme qu’on lui connaît, parle de Commonwealth à la française.

Présentée par le Sénégalais Doudou Thiam, la Constitution de la nouvelle Fédération est approuvée à l’unanimité. Elle prévoit notamment un gouvernement composé de deux ministres par État. Le siège des institutions est à Dakar. En attendant, ce 14 janvier 1959, les délégués de la nouvelle Fédération élisent Modibo Keita, du Soudan, comme président de l’Assemblée constituante fédérale. Maurice Yaméogo (Haute-Volta) et Louis Guillabert (Sénégal) sont vice-présidents.
Tout avait commencé avec la fameuse loi-cadre, ou loi Defferre, votée le 23 juin 1956, qui conférait au gouvernement français le pouvoir de modifier par décret le statut des territoires d’outre-mer et donc d’ouvrir la voie de l’indépendance. Cette loi-cadre consacrait la position de l’Ivoirien Félix Houphouët-Boigny (partisan du maintien dans le giron de la France), qui, craignant que Dakar ne devienne le centre d’une nouvelle structure fédéraliste, prônait une évolution séparée des anciennes colonies. Senghor, de son côté, sans oublier les intérêts de son pays, dénonçait une loi qui précipitait la balkanisation de l’Afrique.
Le débat va redoubler d’intensité lors de l’élaboration de la Constitution de 1958. Même si le point de vue d’Houphouët l’emporte à nouveau, Senghor, la mort dans l’âme, se rallie à un projet qui permet à tout le moins l’accession à l’indépendance sans rupture et prévoit des accords d’association entre Paris et ses anciennes colonies.
Avec l’adoption par référendum de la Constitution de la Ve République, le 28 septembre 1958, la page était tournée. Les territoires d’outre-mer étaient désormais des États. Et c’est ainsi que, tentant de sauver ce qui pouvait l’être de son rêve unioniste, Senghor mit sur pied la Fédération du Mali.
Même réduite à quatre, cette structure dérangeait. Houphouët fit en sorte qu’elle capote. Le Dahomey et la Haute-Volta cédèrent à ses pressions et établirent des liens de coopération avec la Côte d’Ivoire pour former le Conseil de l’Entente.

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Sénégalais et Maliens restèrent donc en tête à tête. Pas pour très longtemps du reste. Après qu’elle se fut proclamée indépendante, le 20 juin 1960, la Fédération, minée par la rivalité entre Senghor et Modibo Keita, vola en éclats en août suivant. Il faudra de longs mois pour que les deux pays fassent le deuil de cette expérience malheureuse. La réconciliation Senghor-Modibo Keita aura lieu le 25 juin 1963 dans la ville frontière de Kidira.
Entretemps, en 1962, les anciens territoires de l’A-OF avaient esquissé une nouvelle forme de rapprochement avec la création de l’UMOA (Union monétaire ouest-africaine). Celle-ci trouvera son prolongement en janvier 1994 dans l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine), organisation d’intégration régionale qui regroupe aujourd’hui sept anciens territoires français (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Niger, Sénégal, Togo) ainsi que, depuis 1997, la Guinée-Bissau.
Ainsi, le rêve fédéraliste de Senghor n’aura pas été un échec total.

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