Art vaudou en Haïti

À l’origine des peintures naïves et des pratiques artistiques du pays de Toussaint-Louverture, un fort syncrétisme religieux.

Publié le 12 janvier 2004 Lecture : 3 minutes.

« Les trois quarts des gens de par le monde croient que le vaudou est diabolique. Je peins pour montrer que ce n’est pas vrai. » Ainsi s’exprime André Pierre, 87 ans, prêtre vaudou et peintre naïf dont l’oeuvre reflète les croyances religieuses. N’importe quel artiste haïtien aurait pu prononcer ces mots tant l’art de ce pays, qui fête cette année le bicentenaire de son indépendance, est contaminé par le vaudou. Syncrétisme religieux aux racines béninoises, européennes et taïnos, le vaudou, phénomène cultuel et culturel, traverse d’une façon ou d’une autre (croyance, superstition, rejet…) toutes les couches de la société haïtienne. Il est en plus à l’origine de pratiques artistiques connues dans le monde entier, et dont l’étonnante vitalité ne cesse de contraster avec l’état de délabrement du pays. En effet, la peinture en tant que pratique culturelle populaire en Haïti provient en partie des ounfò, les temples vaudous. Les futurs artistes y ont appris à dessiner les vèvè, représentations symboliques des lwa (« esprits »), tracées à même le sol et appelées à disparaître, foulées aux pieds dans la confusion de la cérémonie. Le lien avec le sacré est évident.
C’est ce lien que donnait à voir au public français la très riche exposition « Vaudou », présentée à l’abbaye de Daoulas, dans le nord-ouest de la France, jusqu’au 11 janvier 2004. Conçue et réalisée par le directeur général du centre culturel de l’abbaye, l’écrivain Michel Le Bris, cette exposition est la plus complète « jamais consacrée en France au vaudou ». Pensez un peu : « 180 tableaux des plus grands artistes haïtiens, les chefs-d’oeuvre de grands « naïfs », une installation de Tiga sur l’aventure de « Saint-Soleil », 160 statues dont plusieurs monumentales, des fers martelés de Georges Liautaud à l’exposition créatrice des artistes « Bosmetal », 25 drapeaux de la superbe collection Bartoli, les calebasses peintes d’André Pierre, les poupées géantes de Pierrot Barrat, les spectaculaires tambours de la collection Jaeger, deux expositions de photos de Chantal Regnault et Cristina García Rodero, 300 objets de culte, govi, bouteilles, miroirs, pakèt des plus grandes collections, 3 autels conçus par Max Beauvoir, oungan de Mariani, les splendides objets béninois de la galerie Noir d’Ivoire. » À cette liste déjà impressionnante, il faut ajouter les photos des nombreuses peintures murales de Port-au-Prince, celles des artistes présents à l’exposition, les affiches de films d’Hollywood et autres fantasmes nord-américains qui ont contribué à diaboliser le vaudou, des produits de l’artisanat local… et des panneaux explicatifs. Un trop-plein qui n’est pas sans rappeler l’oratoire vaudou. Qui fait peur et fascine en même temps ; l’Occident, selon le mot de Le Bris, y ayant « inscrit au fil des siècles ses fantasmes, sa peur de l’autre, de l’inconnu ».
Pour ceux qui n’auront pu voir l’exposition, il est possible d’en consulter le catalogue-album, publié sous la direction de Michel Le Bris. On y trouve entre autres des articles de Jean-Marie Drot, écrivain, ancien directeur de la villa Médicis à Rome et promoteur infatigable de la peinture haïtienne dans le monde ; Lilas Desquiron, auteur d’une thèse de doctorat sur le vaudou et actuel ministre de la Culture d’Aristide ; Ralph Boncy, spécialiste de la musique haïtienne ; Philippe Bernard, maître de conférences à Paris-IX… Et aussi de Pierre Mabille, Alfred Métraux, des noms incontournables pour une approche du vaudou et de l’art haïtiens.

Vaudou, conçu par Michel Le Bris, éd. Hoëbeke, 216 pp., 35 euros.

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