Qui progresse, qui recule

Palmarès inédit de l’évolution du niveau de vie dans le monde entre 2001 et 2006.

Publié le 12 décembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Jusqu’à présent, il était impossible d’obtenir des statistiques comparatives actualisées sur les principaux indicateurs économiques. La plupart des rapports des Nations unies, de la Banque mondiale ou de la Banque africaine de développement (BAD) livrent des données datant de plus d’un an (les chiffres 2004 ou 2005 publiés au cours du dernier trimestre 2006). Le Fonds monétaire international (FMI) – dont ce n’est pas la spécialité – met désormais à la disposition du public, sur son site Internet, des données récentes et prospectives sur la plupart des pays dans le monde (exactement 181). Connues seulement des professionnels, elles sont mises en ligne à l’occasion de la publication du rapport annuel de l’institution sur l’économie mondiale*.
Cette base de données électroniques brutes permet de faire des calculs et des comparaisons. C’est ce que nous avons essayé de faire avec le « revenu par habitant », indicateur fétiche des économistes, des hommes politiques et des journalistes.
Concept très large, le revenu par habitant n’est pas, comme son nom semble l’indiquer, un « revenu », c’est-à-dire un salaire ou une rémunération sonnante et trébuchante. C’est un indicateur théorique qui permet de mesurer le niveau de vie moyen que procure à un pays la valeur ajoutée produite (et comptabilisée) par ses habitants en une année. Qui dit « valeur ajoutée » dit valeur nette de chaque bien et service : on déduit de la valeur « sortie usine » d’un produit la valeur des biens acquis à l’extérieur et ayant servi à le fabriquer (matières premières et demi-produits). Une entreprise A ne comptabilise que ce qu’elle a ajouté. La somme des valeurs ajoutées de tous les agents économiques et administratifs d’un pays donne le produit intérieur brut. Après division par la population totale en milieu d’année, on obtient le PIB par habitant, ou revenu par habitant en monnaie locale
Pour faire des comparaisons à l’échelle internationale, on recalcule les PIB en dollars (unité de compte de facto universelle) selon des formules de taux de change aussi complexes les unes que les autres Mais les meilleures comparaisons sont celles qui prennent en considération les différences de prix entre les pays. En Europe, 1 euro permet d’acheter, par exemple, 500 grammes de tomates. En Afrique, avec l’équivalent de ce même euro en monnaie locale on peut en acheter quatre ou cinq fois plus. Cette différence mesure l’écart de « pouvoir d’achat ». Le FMI et la Banque mondiale ont conjugué leurs efforts pour calculer pour chaque pays le taux du « dollar PPA » (parité de pouvoir d’achat) qui neutralise les différences de prix entre les pays. Plus le niveau des prix est faible, plus le taux PPA est fort. Aux États-Unis, pays de référence, 1 dollar PPA vaut 1 dollar. Au Gabon et en Angola, par exemple, 1 dollar PPA vaut 1,1 dollar ; en Algérie et au Bénin, il en vaut 2 ; en Tunisie et au Cap-Vert, il en vaut 3 ; en Guinée et en Gambie, il en vaut jusqu’à 6
Pour l’année 2006, le champion mondial du revenu par habitant PPA est le Luxembourg, avec 72 855 dollars. Le dernier du peloton est le Malawi : 645 dollars. Les habitants du premier « gagnent » 113 fois plus chaque année que ceux du second. En 2001, cette proportion était « seulement » de 110. C’est la preuve que les inégalités se sont creusées.
En valeur absolue, le pays qui a vu les revenus de ses habitants s’améliorer le plus fortement est le Luxembourg (+ 14 460 dollars en cinq ans), suivi par l’Irlande (+ 10 015 dollars), Hong Kong (+ 9 242 dollars), les États-Unis (+ 8 229) et la Guinée équatoriale (+ 7 855), devant l’Islande (+ 7 671), Singapour (+ 6 525) ou le Qatar (+ 6 353). C’est la manne pétrolière qui explique cette remontée en flèche de Malabo, qui a ravi la première place sur le continent africain à l’île Maurice (+ 2 864).
Les progrès en valeur relative – ils prennent en compte le point de départ – sont significatifs de la nouvelle importance prise par les recettes pétrolières : l’Azerbaïdjan a enregistré une augmentation de 114 % de son revenu par tête, de 2 761 à 5 895 dollars entre 2001 et 2006. Suivent le Turkménistan (+ 91 %), l’Angola (+ 86 %), la Guinée équatoriale (+ 82 %), la Chine (+ 72 %), le Tchad (+ 67 %), la Mauritanie (+ 54 %)
Les pays à la traîne avec une amélioration inférieure à 10 % sont le Gabon (+ 7 %), le Yémen (+ 6 %), l’Érythrée (+ 5 %), la Côte d’Ivoire (+ 4 %), Haïti, (+ 2 %). D’autres – ils sont seulement six – ont connu une régression de leur niveau de vie : Centrafrique (- 1 %), Kiribati (- 1 %), Guinée-Bissau (- 2 %), Seychelles (- 8 %), Timor oriental (- 8 %) et Zimbabwe (- 19 %). Les Seychellois, qui se classent au sixième rang africain (avec 11 838 dollars en 2006), ont perdu, en moyenne, 987 dollars en cinq ans. Quant aux Zimbabwe, dont les difficultés ne sont pas dues à une catastrophe naturelle mais à de mauvaises décisions politiques, il a perdu 611 dollars, passant de 3 145 à 2 534 dollars. À l’inverse, par exemple, du Mozambique (+ 461 dollars) et du Ghana (+ 609 dollars), deux pays africains qui sortent brillamment d’une longue crise, sans manne pétrolière, avec seulement un peu de bonne gouvernance

* World Economic Outlook, FMI, septembre 2006, 57 dollars, 296 pages.

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