Qatari, ça paie

Publié le 12 décembre 2006 Lecture : 2 minutes.

Ce week-end, n’ayant rien de mieux à faire, nous voilà, un groupe de Maghrébins, en route vers Tilburg pour assister à une réunion d’athlétisme. Sur le programme, on constate qu’une Marocaine, une certaine Nadia Ejaffini, va prendre le départ du 10 000 m. Du coup, nous sommes tous plus marocains les uns que les autres, on s’agite le long des travées, on hurle, on s’égosille, on encourage et, finalement, c’est grâce à nous que Nadia gagne la course, au nez et à la barbe – si j’ose dire – des Kényanes et des Éthiopiennes usuelles. Ces jours-ci, après la retraite d’El Guerrouj, tout succès est bon à prendre et nous entonnons avec ardeur l’hymne national, dont – entre parenthèses – les paroles nous demeurent incompréhensibles, mais peu importe : l’important est de participer à la liesse générale pendant que mademoiselle Ejaffini finit son tour d’honneur.

Mais catastrophe ! – voilà que l’aboyeur – je ne sais pas comment on le nomme, ce monsieur qui parle dans le micro du stade – voilà que l’aboyeur annonce que le Qatar a remporté le 10 000 m féminin. Indignés, nous nous précipitons vers la cabine où il se terre pour le lyncher, ce satané aboyeur, lorsque quelqu’un nous fait remarquer que c’est bien le drapeau qatari qui flotte au vent. Moi, je n’ai rien contre le Qatar, au contraire. Il paraît que le jeune émir est un type très bien, très avenant, mais enfin Nadia Ejaffini, elle est de chez nous, non ? Native de nos montagnes et de nos plaines, non ? Renseignement pris, elle court bel et bien pour ce petit émirat, tout à fait sympathique par ailleurs, mais qui se trouve quand même à 10 000 km à vol de faucon de l’Atlas aux neiges éternelles. Du coup, on ne savait plus s’il fallait l’applaudir ou la huer, cette dame.
Vous me dites : « Oui, mais le nationalisme, ce n’est pas bien, non ? C’est comme ça que les guerres éclatent, non ? »
Je vous réponds : « Certes, certes, mais autant l’enterrer, le nationalisme, dans le sport afin de ne pas le voir surgir dans la xénophobie et les affrontements armés. »

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Nous sommes rentrés chez nous, perplexes, après avoir félicité sportivement les quelques vrais ressortissants de l’émirat frère du Qatar, tous membres du staff administratif et technique. Finalement, je ne sais pas trop quoi penser de cette affaire. Qu’est-ce que vous en pensez, vous ? D’un côté, on lui souhaite tout le bonheur du monde, à cette dame. Chacun cherche à gagner sa vie comme il peut. Le Qatar, ça paie bien. Du moment que c’est honnête, qui lui jettera la première pierre ? Mais d’un autre côté, si des Berbères bien de chez nous se mettent à courir pour le Qatar, la Belgique ou le Pérou, on ne sait plus qui on est. Encore un problème d’identité de plus

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