« Nous ne sommes pas en concurrence avec nos voisins »

Le ministre de l’Industrie et du Commerce veut contrer l’Asie et attirer les entreprises internationales au sud de la Méditerranée.

Publié le 12 décembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : Comment est née l’activité offshoring au Maroc ?
Salah-Eddine Mezouar : Ces huit dernières années, elle s’est surtout développée autour des centres d’appels et, dans une moindre mesure, des services en ingénierie informatique. Depuis le lancement du programme Émergence, en 2005, qui identifie les pôles de croissance pour les dix années à venir, elle fait l’objet d’une véritable politique de développement, baptisée « Offre offshoring Maroc 2010 ».
Quel est son potentiel ?
Il s’élève à 100 000 emplois environ et 15 milliards de DH de chiffre d’affaires à l’horizon 2015.
Pour l’instant, il s’agit surtout de services à faible valeur ajoutée. Ne craignez-vous pas d’enfermer le Maroc dans des activités peu nobles ?
Je pense que plus cette dynamique prendra, plus la logique d’évolution vers des activités à forte valeur ajoutée s’imposera. L’Inde n’a-t-elle pas commencé par accueillir des activités simples avant d’en monter de beaucoup plus complexes ?
Il me semble, en outre, que l’accueil de ces dernières au Maroc est bénéfique non seulement pour le pays, mais pour le Bassin méditerranéen tout entier : les centres d’appels et les départements de traitement de données sont des services qui, de toute façon, seront externalisés à plus ou moins long terme. La question est donc de savoir si on préfère les voir partir vers l’Asie, ou bien si on choisit de conserver un secteur qui génère de la richesse dans la région et qui permet d’apporter des réponses concrètes aux problèmes de croissance, de développement, et donc d’émigration.
La Tunisie et le Sénégal s’intéressent également à ce créneau. Quels sont vos atouts par rapport à ces concurrents ?
L’avantage du Maroc, c’est son offre visible et structurée. Nous bénéficions d’un volontarisme d’État qui accompagne de manière harmonieuse et coordonnée le développement du secteur. Avec 30 millions d’habitants, nous jouissons en outre d’un réservoir de main-d’uvre dont ne disposent pas la Tunisie et le Sénégal. Qui sont des pays avec lesquels je ne me considère pas en concurrence au demeurant.
Pourquoi ? Vous avez pourtant affirmé vouloir devenir leader Nous avons affiché clairement cette ambition, et nous mettons tout en uvre pour y parvenir. Mais être leader n’a jamais empêché les autres d’avoir des atouts et d’en profiter. Autant je me considère en concurrence avec les pays qui se trouvent hors de l’espace euroméditerranéen, autant je ne le suis pas avec les pays de cette zone. Si des investissements se font non au Maroc mais au Sénégal ou en Tunisie, l’important c’est qu’ils se fassent dans la région, parce qu’ils se feront de toute façon.
Le plus grand défi à relever est celui de la formation N’êtes-vous pas inquiet à ce propos ?
L’avantage d’une démarche comme celle que nous avons mise en place, c’est qu’elle permet de focaliser les énergies et les ressources sur des objectifs clairement identifiés. Il y a alors une contribution de tous pour garantir le succès de l’opération. Cette année, par exemple, toutes les écoles d’ingénieurs ont augmenté leurs effectifs de 30 %. Les universités, qui, elles, n’en formaient pas jusqu’à présent, peuvent aussi le faire. Enfin, des cursus spéciaux pour accélérer les reconversions ont été créés, toujours avec cette même idée en toile de fond : élargir au maximum l’offre tout en garantissant aux futurs investisseurs des professionnels sérieux, certifiés et reconnus.
Prise en charge de la formation, mesures incitatives, installation de zones dédiées : le coût de la stratégie Offshoring Maroc 2010 s’élève à plus de 5 milliards de DH. Comment allez-vous financer un tel plan ?
Une partie du budget de l’État va naturellement y être consacrée. Mais l’objectif est de réduire progressivement la contribution des pouvoirs publics et de passer le relais aux opérateurs privés. Nous allons procéder comme pour le secteur touristique, dans lequel l’État a apporté le foncier, les aménagements fiscaux et la formation, laissant aux entreprises privées le soin d’investir. Notre mission est, en quelque sorte, de déclencher le cercle vertueux en ?crédibilisant la destination Maroc sur ce marché.

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