L’une improvise, l’autre pas

Les deux principaux candidats à l’élection présidentielle de 2007 affichent des positions contrastées sur le Moyen-Orient. En apparence.

Publié le 12 décembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Bien que faire des discours soit ce que préfèrent les politiques, ils auraient parfois intérêt à se taire. Un récent exemple des dangers que l’on court à trop parler a été donné par les deux principaux candidats à l’Élysée, la socialiste Ségolène Royal et l’UMP (droite) Nicolas Sarkozy.
Ségolène Royal est rentrée l’autre semaine d’une tournée au Liban, dans les Territoires occupés, et en Israël, destinations toujours dangereuses pour un (une) relatif(ve) novice dans le domaine de la politique étrangère. Elle a essayé de plaire à tout le monde, mais a fini par donner une impression de confusion intellectuelle. Son charme incontestable et son sourire radieux ne l’ont pas empêchée de tomber dans un certain nombre de pièges.
Sarkozy, en revanche, est un professionnel de la politique qui a des idées bien arrêtées, qu’il exprime clairement et fortement. Mais sa remarquable éloquence n’arrive pas à cacher son insatiable soif de pouvoir, et son sourire fait souvent peur.
À Beyrouth, Ségolène avait déclaré qu’Israël devait cesser d’envoyer des avions au-dessus du territoire libanais, ce qui constitue une violation de la résolution 1 701 du Conseil de sécurité de l’ONU. En Israël, cependant, elle a changé de registre et expliqué que les vols étaient justifiés « par un certain nombre de faits ». Au Liban, elle avait indiqué qu’elle était prête à « parler avec tout le monde », y compris, semble-t-il, le Hamas, ce mouvement radical qui a remporté, en janvier dernier, les élections démocratiques palestiniennes. En Israël, elle a au contraire dit qu’il ne saurait être question de parler avec le Hamas, puisqu’il figurait sur la liste des organisations terroristes. Au Liban, elle avait écouté sans broncher un réquisitoire prononcé contre la politique américaine par un député du Hezbollah, et même laissé entendre – à la grande indignation de la droite parisienne – qu’elle partageait certaines de ses idées. Mais en Israël, le ton a été tout autre. Aucun des propos tenus là-bas n’a impliqué la moindre critique de la politique israélienne ou américaine.
Le mur de séparation israélien, qui a été jugé illégal par la Cour ?internationale de justice, pourrait, selon elle, être justifié par des raisons de sécurité, même si son tracé pourrait être reconsidéré.
Dans les territoires palestiniens, elle a félicité Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, des efforts (jusqu’ici malheureux) qu’il a fournis pour former un gouvernement d’union nationale. Mais la cruelle oppression imposée par Israël aux Palestiniens et sa politique d’exécutions ciblées – en fait, d’assassinats politiques – semblent avoir été oubliées.
À la grande joie de ses hôtes israéliens, sa plus grande audace a été d’affirmer catégoriquement qu’il fallait interdire à l’Iran tout accès à la technologie nucléaire non seulement pour des usages militaires, mais aussi civils. Ce serait sa politique, a-t-elle annoncé fièrement, si elle était élue. Elle semblait ignorer que l’Iran, selon le traité de non-prolifération (TNP) dont il est signataire, a parfaitement le droit d’utiliser pacifiquement l’énergie nucléaire.
De son côté, Sarkozy, au cours des trois heures d’une émission télévisée, a affirmé tout aussi catégoriquement qu’il ne fallait pas admettre la Turquie dans l’Union européenne, parce que c’était un pays d’Asie et non d’Europe. Une telle prise de position, qui contredit l’orientation générale de la diplomatie européenne de toutes ces dernières années, semble destinée à flatter la xénophobie latente des Français.
Sarkozy a la réputation d’être nettement pro-israélien. Lorsqu’il parle du Moyen-Orient, il évoque presque invariablement son souci de la sécurité d’Israël. Mais il n’a pas, jusqu’ici, manifesté beaucoup d’intérêt pour les besoins sécuritaires des voisins d’Israël, qui, pour certains, sont beaucoup plus préoccupants. La gauche française ainsi que beaucoup de gaullistes craignent que Sarkozy, s’il est élu, ne fasse passer la France dans le camp israélo-américain et renonce à la politique de non-alignement de Chirac, parfois empreinte de sentiments légèrement pro-arabes. Bien qu’ils soient tous les deux à droite, Chirac et Sarkozy ne cachent pas leur antipathie mutuelle. Certains disent même que Chirac préférerait voter pour Ségolène que voir Sarkozy lui succéder.
Lors d’une visite à Washington au début de l’année, Sarkozy n’a pas hésité à dénoncer « l’arrogance » avec laquelle la diplomatie française s’est opposée à la guerre en Irak. Ce n’était pas seulement une manière de se désolidariser de la politique antiguerre de Chirac, mais aussi une pique à l’égard du Premier ministre Dominique de Villepin, qui, lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères en 2003, s’est fait applaudir à l’ONU après son discours passionné.

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