L’aveu

Publié le 12 décembre 2006 Lecture : 4 minutes.

Ci-dessous, le texte d’un « mémo » confidentiel envoyé à la Maison Blanche par le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld le 6 novembre, la veille des élections de la mi-mandat au Congrès et deux jours avant sa démission.

Sujet
Irak. Nouvelles lignes d’action possibles La situation en Irak a évolué et, sur la durée, les forces américaines sont passées tour à tour d’importantes opérations de combat au contre-terrorisme, puis à la contre-insurrection, à l’affrontement avec les escadrons de la mort et la violence communautaire. À mon avis, il est temps de procéder à un changement majeur. Manifestement, ce que font actuellement les forces américaines en Irak ne donne pas de bons résultats, ou bien pas assez vite. Voici une série d’options.

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Options concrètes
Priorités (Beaucoup de ces options pourraient et, dans un certain nombre de cas, devraient être mises en pratique en combinaison avec d’autres.)
– Annoncer publiquement une série de points de repère agréés par le gouvernement irakien et par les États-Unis – des objectifs politiques, économiques et sécuritaires – afin de donner une orientation au gouvernement et au peuple irakien (pour les faire bouger) ainsi qu’à l’opinion américaine (lui montrer qu’on peut faire des progrès et qu’on en fait).
– Accroître de manière significative le nombre de formateurs et « d’embarqués » (embeddeds) américains et les livraisons d’équipement américain aux forces de sécurité irakiennes (ISF), afin de développer encore leurs capacités et permettre un redéploiement d’une partie importante des troupes américaines actuellement en Irak.
– Initier un programme d’embarqués à l’envers, sur le modèle des Katusas sud-coréens*, en faisant accompagner toutes les unités américaines, éventuellement de la Coalition, d’un ou de plusieurs soldats irakiens pour améliorer les possibilités de communication et d’échanges culturels de nos unités, et pour donner aux Irakiens la possibilité de se former aux côtés de soldats professionnels américains.
– Renforcer sérieusement les ministères irakiens de la Défense et de l’Intérieur, et les autres ministères irakiens dont dépend le succès des ISF – Finances, Planification, Santé, Justice, Prisons, etc. – en faisant appel à des volontaires du cadre de réserve américain et de la Garde nationale (c’est-à-dire ne plus essayer d’utiliser d’autres services américains).
– Accélérer la fermeture des bases américaines. Nous avons déjà réduit leur nombre de 110 à 55. Prévoir de retomber à 10 ou 15 bases en avril 2007, et à 5 en juillet 2007.
– Garder les moyens et l’indispensable structure de soutien pour contrer al-Qaïda, les escadrons de la mort et les Iraniens en Irak, tout en réduisant les autres forces de la Coalition, sauf celles qui sont nécessaires pour donner un coup de main aux ISF.
– Réfléchir à une stratégie selon laquelle les forces américaines n’assureraient la sécurité que des provinces et des villes qui en feraient explicitement la demande et qui coopéreraient activement, étant entendu que si elles ne coopéraient pas pleinement, les forces américaines se retireraient.
– Cesser de récompenser les mauvais comportements, comme cela a été le cas à Fallouja avec les crédits de reconstruction, et récompenser les bons. Centrer les efforts de reconstruction sur les régions de l’Irak qui se conduisent bien, et investir et aménager des conditions favorables pour les récompenser de leur bonne conduite. Comme on dit, « si vous en voulez davantage, faites un geste ; si vous en voulez moins, faites-le savoir. » Pas d’aide à la reconstruction pour les régions où sévit la violence.
– Poster un bon paquet de forces américaines aux frontières iraniennes et syriennes pour réduire les infiltrations et, très important, réduire l’influence iranienne sur le gouvernement irakien.
– Retirer les forces américaines des positions vulnérables – villes, patrouilles, etc. – et leur donner le statut d’une force de réaction rapide (QRF) opérant à partir de l’Irak et du Koweït, disponible lorsque les ISF auraient besoin d’aide.
– Procéder à des retraits limités des forces des États-Unis et de la Coalition (commencer à « lever le pied ») pour faire comprendre aux Irakiens qu’ils devraient se secouer et prendre la responsabilité de leur pays.
– Donner de l’argent aux leaders politiques et religieux (comme le faisait Saddam Hussein) pour obtenir qu’ils nous aident dans cette période difficile.
– Lancer un programme massif pour les jeunes chômeurs. Il faudrait qu’il soit géré par les forces américaines, puisque aucun autre organisme ne pourrait le faire.
– Annoncer que, quelle que soit la nouvelle politique qu’adoptent les États-Unis, il ne s’agit que d’un essai. Cela nous donnera la possibilité de corriger le tir et d’en choisir une autre, si nécessaire, sans « perdre ».
– Redéfinir la mission militaire et les objectifs des États-Unis (la façon dont nous les présentons), en étant minimalistes.
Accessoirement (options moins convaincantes)
– Continuer sur la voie actuelle.
– Concentrer une importante partie des forces américaines à Bagdad pour tenter d’y rétablir l’ordre.
– Augmenter considérablement les brigades de combat et les forces américaines en Irak.
– Fixer nettement une date de retrait. Déclarer que maintenant que Saddam n’est plus là et que l’Irak est un État souverain, le peuple irakien peut se gouverner tout seul. Dire à l’Iran et à la Syrie de rester tranquilles.
– S’embarquer dans un projet de fédéralisme agressif avec la création de trois États séparés : sunnite, chiite et kurde.
– Tenter un processus à la Dayton.

* « Katusa », acronyme de Korean Augmentation To the United States Army : Coréens faisant leur service militaire obligatoire aux côtés de soldats américains pour faciliter à ces derniers les contacts avec l’environnement sud-coréen.

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