Le nouveau président malgache esquisse son programme économique à Paris

En visite à Paris, Hery Rajaonarimampianina, le nouveau président malgache a présenté les premières orientations économiques de son mandat. Fin connaisseur des dossiers économiques, il bénéficie d’un a priori positif de la part des entrepreneurs. Mais ceux-ci attendent fébrilement la nomination d’un nouveau gouvernement.

Hery Rajaonarimampianina a été élu président de Madagascar en décembre 2013. © AFP

Hery Rajaonarimampianina a été élu président de Madagascar en décembre 2013. © AFP

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 21 mars 2014 Lecture : 4 minutes.

La salle de conférence parisienne d’Ubifrance, l’organisme de promotion du commerce extérieur français, était comble pour « l’atelier économique » consacré à Madagascar ce vendredi 21 mars. Plus de 150 chefs d’entreprises Français et de nombreux cadres de la diaspora malgache avaient fait le déplacement pour cette manifestation. Principale raison de cette affluence, la présence, à l’ouverture de la séance, du président Hery Rajaonarimampianina, élu en décembre 2013.

Plaidoyer

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Le nouveau chef de l’Etat malgache, qui avait rencontré François Hollande la veille, s’est livré à un plaidoyer pour attirer les investisseurs français sur la Grande Île. En présence de Nicole Bricq, ministre française du commerce extérieur, et de Noro Andriamonjiarison, la présidente du Groupement des entreprises malgaches (GEM), Hery Rajaonarimampianina s’est réjoui du retour de son pays sur la scène économique mondiale, avec la reprise des programmes d’aide du FMI et de la Banque mondiale, confirmés lors de ses entretiens récents à Washington les 19 et 20 mars 2014.

« Il ne nous manque plus que l’appui de l’Union européenne et la levée des sanctions américaines »
Hery Rajaonarimampianina

« Avec ces bonnes nouvelles et notre réintégration au sein de l’Union africaine et de la région d’Afrique australe, il ne nous manque plus que l’appui de l’Union européenne et la levée des sanctions américaines », a-t-il fait le compte, devant un parterre acquis à sa cause. Le président, qui est expert-comptable de formation et occupait le poste ministre de l’Économie et des Finances dans le précédent gouvernement, a esquissé une première feuille de route économique pour son pays.

« Je sais que certains d’entre vous sont réticents à venir chez nous après cinq ans de crise politique et économique, mais nous travaillons à lever les obstacles, notamment grâce à la mise en place d’une fiscalité avantageuse et à la lutte contre l’impunité et la corruption », a-t-il promis à ses « amis français ».

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Priorités

Et de préciser les domaines économiques où l’État malgache « doit être rétabli » et où les investisseurs sont les plus attendus : « Dans le secteur touristique, essentiel pour le pays, notre priorité est la sécurisation des personnes et des biens, pour rétablir la confiance, notamment avec le soutien de l’armée. Nous attendons beaucoup du secteur agricole: 18 millions de terres arables sont aujourd’hui disponibles à Madagascar, avec une main d’œuvre rurale abondante, les entreprises étrangères sont les bienvenues. Nous souhaitons également relancer le secteur minier, tant dans les métaux que les pierres précieuses et ornementales, dans les filières artisanales et industrielles. Enfin, nous souhaitons développer le secteur de la sous-traitance informatique et les centres d’appels, grâce aux liaisons télécom et internet dont nous disposons », a-t-il égrené.

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Le président malgache a également confirmé les négociations avec l’administration américaine, reprises cette semaine à New-York, pour obtenir la réintégration de Madagascar dans l’African growth opportunity act (Agoa), dont le pays a été exclu en décembre 2009, ce qui avait mis fin aux exemptions de douane des produits malgaches vers les États-Unis. Une décision qui avait entrainé la déconfiture du secteur textile à Madagascar, avec 126 000 emplois détruits dans la filière depuis lors, selon le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).

Réformes

« Le fait que le nouveau président ait une formation économique change la donne », confie à Jeune Afrique Noro Andriamonjiarison, la patronne des patrons malgaches, qui n’avait pas hésité à appeler ses confrères à une « grève fiscale » en juin 2013 pour protester contre le climat des affaires à Madagascar sous la présidence d’Andry Rajoelina.

« Début mars, juste avant son déplacement aux Etats-Unis, Hery Rajaonarimampianina nous a accordé trois heures d’entretien sur les sujets économiques, et il nous a agréablement surpris. Ses équipes et lui avaient étudié précisément chacune des 20 propositions du Groupement des entreprises malgaches pour la relance du pays. Et il a appuyé la plupart d’entre-elles, en particulier celles touchant au règlement des arriérés de l’État envers les entreprises, à la réforme du Code des investissements et à la mise en place des zones franches », précise celle qui espère « qu’il aura davantage les leviers du pouvoir entre ses mains que lorsqu’il était ministre ».

Tourisme

Même son de cloche positif pour Eric Koller, président de l’Office National du tourisme de Madagascar, lui aussi présent à Paris. « L’élection du nouveau président marque un nouveau départ, avec un retour progressif à l’Etat de droit, et en particulier au nord du pays, à Nosy Be, où le président s’est rendu avec nous pour apporter son soutien à notre filière sinistrée », indique-t-il. Mais le chef de file de la filière touristique reconnaît que la relance du secteur dont il a la charge prendra du temps : « En 2008, nous accueillions 400 000 touristes contre seulement 195 000 en 2013. Il nous faudra au moins cinq ans pour revenir à ce niveau », estime-t-il.

« Le fait que le nouveau président ait une formation économique change la donne »
Noro Andriamonjiarison, patronne des patrons malgaches

Eric Koller espère notamment un coup de pouce du président Hery Rajaonarimampianina pour obtenir la levée de la classification en zone rouge de la zone de Nosy Be par le ministère français des affaires étrangères, décision à ses yeux inconsidérée. « Actuellement, 60% des touristes sur la Grande Ile viennent de l’hexagone et de l’île de la Réunion voisine », indique-t-il.

Premier ministre

Toutefois, malgré ses bonnes intentions et sa connaissance des sujets économiques, le nouveau président doit prouver qu’il est capable de gouverner politiquement. Depuis son arrivée aux affaires le 17 janvier dernier, aucun Premier ministre n’a été nommé. À Paris, le président malgache est resté flou sur son choix, même s’il a promis qu’il le ferait « très prochainement, et pourquoi pas avec une personnalité intègre issue du monde des affaires ».

Le futur gouvernement – garant d’un vrai retour de l’État – est attendu au tournant par le monde économique, alors que la crise politique a laissé Madagascar exsangue. Entre 2009 et 2011, la proportion de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté est passée de 68,5 % à 76,5 %.

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