Fausse rupture

Une chaîne de télévision à l’origine d’une mini-crise diplomatique.

Publié le 12 décembre 2006 Lecture : 2 minutes.

Lorsque, le 25 octobre, Abdelwahab Abdallah, le chef de la diplomatie tunisienne, a annoncé la « fermeture » de l’ambassade de son pays au Qatar, tout le monde a cru à une rupture des relations diplomatiques. Erreur ! « Je n’ai jamais employé le mot rupture », a précisé le ministre, le 2 décembre, devant la Chambre des députés. Certes, les activités de l’ambassade à Doha sont bel et bien suspendues, mais les relations diplomatiques, elles, ne le sont pas.
Entre-temps, la visite impromptue à Tunis, le 22 novembre, de Cheikh Hamad Ben Khalifa Al Thani, qui s’est entretenu avec le président Zine el-Abidine Ben Ali, a beaucoup contribué à détendre l’atmosphère. À sa manière toute en rondeur, l’émir du Qatar a indiqué qu’il n’avait jamais songé à des mesures de rétorsion et que l’État qatari ne se sent « pas concerné par le différend entre Tunis et Al-Jazira ».
Propriété d’un membre de la famille régnante, la chaîne de télévision qatarie est en effet à l’origine de cette montée d’adrénaline. Depuis sa création, il y a dix ans, elle ne ménage pas les régimes en place dans le monde arabe. Appréciant modérément les attaques dont il est, comme beaucoup d’autres, l’objet, le gouvernement tunisien n’a jamais autorisé l’ouverture d’un bureau local de la chaîne. La tension est montée d’un cran au cours des derniers mois. D’abord, lorsque Al-Jazira a offert une tribune à l’opposant radical Moncef Marzouki, qui s’est empressé de lancer un appel à la désobéissance civile. Puis, lorsque des religieux ont critiqué à l’antenne la campagne antivoile alors en cours. Exercice normal de la liberté d’expression, plaide la direction de la chaîne. À quoi Abdallah rétorque que les propos tenus sur la Tunisie constituent une incitation à l’anarchie et à la sédition.
Lors de leur rencontre, Ben Ali et Cheikh Hamad ont manifestement décidé de calmer le jeu. Il est vrai que les deux pays ont d’importants intérêts communs. La société nationale Qatar Petroleum est sur les rangs avec la compagnie écossaise Petrofac pour la construction et la gestion d’une raffinerie de pétrole à la Skhira, dans le golfe de Gabès. Le coût de l’opération est estimé à 1,5 milliard de dollars, et la décision attendue pour la fin du mois de janvier 2007. Dans le passé, le Qatar a contribué au financement de plusieurs grands projets de développement, par le biais notamment de la Tunisian-Qatari Bank, dont il détient 50 % du capital. Le dernier en date concerne la construction d’une faculté de médecine à Tunis.
Par ailleurs, plus de sept mille Tunisiens, parmi lesquels nombre d’experts et de cadres supérieurs, sont établis au Qatar. Pour eux, la fermeture des services consulaires de l’ambassade est un sérieux handicap, même si l’ambassade du Bahreïn a été chargée de veiller sur leurs intérêts.
S’il se confirme que les relations entre les deux pays sont décidément « maintenues », reste à connaître la date de la réouverture de l’ambassade. « Inch’Allah, tout ira bien », a répondu Abdallah aux députés.

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