Bush, Churchill et le « Titanic »

Publié le 12 décembre 2006 Lecture : 2 minutes.

Je ne veux pas faire, pour la énième fois, le procès de George W. Bush, mais le rapport sur l’Irak publié le 6 décembre constitue une humiliation sans précédent pour un président in office.
L’auteur, chairman de la commission qui a préparé ce texte, s’appelle James Baker, un proche des Bush. Ancien secrétaire d’État de Bush père, fortuné, membre éminent de la mouvance modérée du Parti républicain, remarquable représentant de ces grandes familles patriciennes qui gouvernent l’Amérique Bref, un homme d’expérience, soucieux de l’aura de sa nation, loin, très loin d’être un aventurier ou un « gauchiste », ou un « défaitiste ».
Et pourtant, ce qu’il écrit est impitoyable pour le président et ses proches.
Que dit en substance son rapport ?
M. le Président, vous êtes mon ami, mais la politique de votre administration au Moyen-Orient mène au désastre. Il faut faire un virage à 180 degrés pour ne pas sombrer.
Un, l’Irak est plein chaos. Appelez cela comme vous voulez, guerre civile, conflit ethnique, lutte de clans, mais la situation est devenue ingérable.
Deux, les troupes américaines n’arriveront jamais à vaincre les résistances et à calmer la situation. Au contraire, elles ne font que la détériorer. Il est donc urgent, très urgent, de partir (d’ici au début de 2008), et de reconnaître la défaite
Trois, il est impossible de stabiliser l’Irak sans négocier avec ses voisins, c’est-à-dire l’Iran et la Syrie. L’axe du Mal ne veut rien dire. C’est un délire d’idéologue. Seuls comptent, comme d’habitude, les rapports de force.
Quatre, il est impératif que les États-Unis reprennent leur rôle traditionnel de médiateur dans le conflit israélo-palestinien. L’alignement systématique de Washington sur Tel-Aviv n’a fait que renforcer le clan des jusqu’au-boutistes dans les deux camps. Et la détresse immense des Palestiniens.

Il y a aussi ce que Baker ne dit pas explicitement, et que tout le monde pense très fort. Tout d’abord, mais cela, on s’en doutait, que les Irakiens se débrouillent et qu’ils s’entretuent. On n’y peut rien Ensuite, la politique, ou plutôt la réaction, américaine post-11 Septembre (dont la guerre d’Irak) n’a fait qu’aggraver les déséquilibres du monde, en particulier au Moyen-Orient. Les ennemis de l’Amérique sont tous ou presque debout. Les extrémistes s’en donnent à cur joie. Une déstabilisation générale de Beyrouth à Téhéran n’est pas exclue. L’hyperpuissance américaine est isolée, rejetée, en Irak, mais aussi en Amérique du Sud, en Asie, en Afrique, et par une grande partie des Européens.
Nous avons besoin de l’Amérique. D’une Amérique libérée des idéologies et des peurs, qui ne soit pas obsédée par la revanche et la vengeance, une Amérique démocratique, ouverte sur les réalités de notre époque. Avec des hommes et des femmes de talent pour la diriger.
Le problème, c’est que G. W. Bush se voit encore comme le dernier Winston Churchill d’un Occident égaré, aveugle et sourd face aux menaces. Le voilà incompris, seul face à la tempête, debout à la barre
À la barre d’un bateau qui ressemble fort au Titanic.

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