Al-Jazira, à nous deux !

Médi 1 Sat, la nouvelle chaîne d’information franco-marocaine, rêve de devenir numéro un au Maghreb.

Publié le 12 décembre 2006 Lecture : 3 minutes.

« Pierre Casalta nous a brûlé la politesse ! » ironise un journaliste de France 24, la nouvelle chaîne d’information en continu lancée le 6 décembre à Paris (voir aussi p. 85). Cinq jours auparavant, à Tanger, le patron français de Médi 1, une radio privée franco-marocaine très écoutée au Maghreb, avait en effet donné le coup d’envoi d’une concurrente potentielle : Médi 1 Sat. Spécialisées dans l’info, les deux chaînes diffusent l’une et l’autre en français et en arabe. Mais la « LCI marocaine » n’a pas les mêmes ambitions internationales que France 24. « Notre rayon d’action est bien défini : nous voulons être les premiers dans le Grand Maghreb et la communauté maghrébine d’Europe », indique Casalta.
C’est un vrai défi. Déjà numéro un au Maghreb avec 80 millions de téléspectateurs, Al-Jazira, la chaîne qatarie, s’efforce de conforter ses positions. Le 17 novembre, elle a lancé son tout nouveau Journal du Maghreb, un rendez-vous quotidien d’information. Mais Médi 1 Sat semble avoir bien préparé son affaire. Elle a déjà consacré 14 millions d’euros à la construction de son siège – deux étages de bureaux dans la zone franche de Tanger – et à l’acquisition d’un matériel technique de pointe. Elle dispose d’ores et déjà de deux studios, l’un pour les bulletins d’information, l’autre pour les talk-shows. Les frais de fonctionnement seront de l’ordre de 15 millions d’euros. La direction escompte des recettes publicitaires d’un montant au moins égal.
« La masse salariale est conséquente », explique une source marocaine proche du projet. La chaîne emploie en effet une centaine de personnes, dont une trentaine de journalistes marocains, algériens et tunisiens, mais aussi libanais, syriens, jordaniens, suisses et français. Cosmopolite, donc, la rédaction est aussi très jeune, la moyenne d’âge ne dépassant pas 28 ans. « On joue l’empathie avec le public, explique Casalta à l’AFP. Nos présentateurs sont sympathiques, ne cherchent pas à éblouir et n’ont pas le visage hiératique de nombre de leurs confrères du Golfe. »
Accessible en clair via les satellites Eutelsat (Hotbird) et W6, la chaîne diffusera, dans un premier temps, six heures de programmes quotidiens, avec des flashes d’information toutes les demi-heures et deux grands journaux de vingt-cinq minutes, alternativement en français et en arabe. Cette plage horaire sera prochainement étendue. Reste la grande question que tout le monde se pose dans le royaume : « Médi 1 Sat aura-t-elle une liberté de ton comparable à celle d’Al-Jazira ? » La chaîne n’est certes pas un média officiel, mais son capital est dominé par deux organismes plus ou moins sous tutelle du gouvernement : Maroc Télécom et la Caisse de dépôt et de gestion (26 % chacun). La Compagnie internationale de radiotélévision (CIRT), un organisme public français, possède quant à elle 34 % des actions, le reste (14 %) étant détenu par la radio Médi 1. L’actionnariat de la station est à 51 % marocain et à 49 % français.
Directeur de l’information de Médi 1 Sat, le Franco-Libanais Marc Saikali jure ses grands dieux que l’indépendance de la chaîne sera respectée. « Notre principe, c’est la rigueur, l’honnêteté, la clarté d’écriture, sans parti pris », explique-t-il. Pas de lignes rouges ? « Nous parlons du Sahara occidental et n’hésiterons pas à diffuser un sujet sur Mohammed VI si l’actualité l’impose. »
Pourtant, beaucoup restent sceptiques. « Personne ne conteste la rigueur professionnelle de Médi 1, la maison mère ; mais personne ne se souvient qu’elle ait fait preuve de beaucoup d’audace dans le traitement des sujets qui fâchent », commente le directeur d’un hebdomadaire casablancais, qui soupçonne la station de « cultiver parfois une certaine animosité à l’égard de l’Algérie ».

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