Présidentielle au Bénin : l’opposition anti-Talon fait monter la pression

Au lendemain d’un appel lancé par plusieurs opposants en exil, des manifestations anti-Patrice Talon ont éclaté dans plusieurs villes du pays. Certaines marquées par des violences.

Une unité de CRS défile à Cotonou en 2017 (illustration). © DR / Présidence béninoise.

Une unité de CRS défile à Cotonou en 2017 (illustration). © DR / Présidence béninoise.

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Publié le 7 avril 2021 Lecture : 3 minutes.

À moins d’une semaine du premier tour de la présidentielle, qui opposera Patrice Talon à Alassane Soumanou et Corentin Kohoué, la tension est montée d’un cran. Depuis lundi soir, des mouvements de protestation sporadiques réclamant le départ du président béninois se sont multipliés dans plusieurs villes du pays.

Tensions à Parakou et Tchaourou

Si aucune grande manifestation n’a eu lieu à Cotonou, la place de l’Étoile-Rouge a été brièvement occupée lundi soir par des manifestants qui ont brûlé des pneus avant d’être dispersés par les forces de l’ordre. Quelques rassemblements épars ont également été observés à proximité de la résidence de l’ancien président Thomas Boni Yayi, dans le quartier de Cadjehoun.

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À Parakou, principale ville du nord du pays, des jeunes armés de gourdins ont installé des barrages routiers et ont attaqué et incendié les locaux de la radio Urban FM, détenue par Charles Toko, ancien maire de la ville réputé proche de Patrice Talon. À Tchaourou, considérée comme le fief de Thomas Boni Yayi, des barrages bloquent l’axe principal traversant la ville et la reliant à Savè, où des manifestations ont également été observées.

Joint par Jeune Afrique, le ministre de l’Intérieur, Sacca Lafia, a déploré ces violences mais assuré que « les forces de l’ordre ont pour consigne de ne pas répondre aux provocations. Elles interviennent lorsque c’est nécessaire pour protéger les biens et les personnes, mais se tiennent à distance des mouvements d’humeur qui restent pacifiques ».

Le 5 avril, « point de non retour »

Ces tensions interviennent après des appels lancés par plusieurs opposants béninois en exil. Lundi soir, plusieurs d’entre eux ont organisé un meeting virtuel, auquel ont notamment participé Léonce Houngbadji, Léhady Soglo, Valentin Djénontin ou encore Komi Koutché. À l’ordre du jour : la date du 5 avril, devenue un « point de non retour » pour la frange radicale de ces exilés.

Selon eux, Patrice Talon ayant pris ses fonctions le 6 avril 2016, son mandat devrait en théorie arriver à son terme le 5 avril 2021 à minuit. Peu leur importent les arguments du gouvernement, qui insiste sur le fait que la réforme constitutionnelle de 2019 a, de fait, entériné un allongement de 45 jours du mandat présidentiel en cours. Pour ces opposants, les décisions rendues ces derniers mois par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) – décisions qualifiées « d’ingérence politique » par Cotonou, qui s’est d’ailleurs retiré du protocole de la Cour d’Arusha –  suffiraient à invalider la réforme constitutionnelle.

Komi Koutché appelle la population à « sortir comme un seul homme » pour des manifestations « sans aucune violence »

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Dans une vidéo publiée quelques minutes avant ce meeting virtuel, Komi Koutché, qui vit en exil aux États-Unis, avait appelé la population à « sortir comme un seul homme » pour des manifestations « sans aucune violence ». « Osons agir parce que c’est le moment plus que jamais », a conclu l’ancien ministre des Finances de Boni Yayi, sous le coup d’une condamnation à 20 ans de prison prononcée en avril 2020 par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme du Bénin (Criet) pour des détournements de fonds.

Les autorités accusent « des mercenaires »

« Ceux qui vendent la haine et la violence sont du mauvais côté de l’histoire », a prévenu Wilfried Léandre Houngbedji, directeur de la communication de la présidence. « Ces évènements sont en train de conforter le pouvoir exécutif, qui a pris toutes ses responsabilités pour prévenir les troubles que les détracteurs du régime ont demandé à certains de leurs mercenaires de provoquer », a ajouté le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Alain Orounla, également porte-parole de Patrice Talon dans la campagne présidentielle.

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« Nous n’avons pas inventé les menaces proférées par certains adversaires qui étaient prêts à faire exécuter des hommes politiques, qui ont donné des moyens financiers et pourquoi pas des armes pour tenter de déstabiliser notre régime », a ajouté le ministre.

Une allusion directe à Reckya Madougou, dont la candidature sous les couleurs du parti Les Démocrates a été invalidée et qui a été arrêtée le 3 mars dernier. Placée en détention provisoire pour des soupçons de « financement du terrorisme », elle est notamment accusée par le procureur de la Criet d’avoir financé et commandité un projet de meurtre d’une personnalité politique de Parakou. Accusation niée par l’opposante, alors que ses avocats dénoncent une procédure « politique ».

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