Robert Assaraf

Président de l’Union mondiale du judaïsme marocain

Publié le 12 octobre 2004 Lecture : 3 minutes.

L’âge n’a pas arrondi les angles : à 68 ans, Robert Assaraf est toujours taillé comme une armoire… r’batie, et, dès lors qu’on aborde les sujets qui fâchent, on sent qu’il ne s’en faudrait pas de beaucoup pour le faire sortir de ses gonds. Avec lui, les « lignes rouges » à ne pas franchir ont le mérite d’être nettement tracées.
Hassan II, tout d’abord. Assaraf a servi loyalement le souverain dès l’indépendance du Maroc, en 1956. Au cabinet du secrétaire d’État à l’Intérieur Hassan Zemmouri, puis aux côtés de son mentor Ahmed Réda Guedira, avant de transporter ses talents et sa fougue dans le secteur privé, où il a guidé, dans la cour du Palais royal, les premiers pas du tout-puissant Omnium nord-africain (ONA). Ceux qui critiquent le règne du monarque défunt ne tardent pas à s’apercevoir qu’il leur faudra compter avec les rugissements du fidèle gardien de sa mémoire, toujours prêt à donner de la voix ou de la plume pour faire respecter un pacte de confiance resté intact. Abraham Serfaty, Gilles Perrault ou Moulay Hicham doivent entendre leurs oreilles siffler…

Les juifs, ensuite. Robert Assaraf a vu, depuis le début des années 1960, la communauté juive de son pays perdre, au fil des ans, ses enfants et sa substance, malgré le comportement irréprochable de Mohammed V à son égard pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais celle-ci n’a pas disparu pour autant. Dispersés d’Israël au Canada en passant par la France et le Venezuela, les juifs du Maroc restent, sur les terres de leur exil définitif, très attachés à leurs racines. Pas question, pour Assaraf, de leur tourner le dos, de les laisser se marginaliser ou de les livrer aux « ambitions personnelles de ceux qui prétendent les représenter ». Ici, on se gardera bien de pénétrer avec lui dans le champ de fondrières des querelles intracommunautaires. D’autant que l’homme a son franc-parler et qu’il ne fait pas bon lui disputer la tête d’une Union (mondiale) ou d’un forum (de dialogue).
L’Histoire, enfin. Partant du principe qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, Robert Assaraf, qui fut à l’origine – avec André Azoulay – du mouvement Identité et dialogue avant de fonder, en 1995, le Centre international de recherche sur les juifs du Maroc (CIRJM), ne voulait laisser à personne le soin de dessiner le visage du judaïsme marocain, de 1860 (la fin du « Vieux Maroc ») à 1999 (l’année de la mort d’Hassan II). Il s’est donc lui-même attelé à la tâche, à sa manière : que l’on ne s’attende pas, avec l’ouvrage à paraître le 28 novembre chez Jean-Claude Gawsewitch, à un travail universitaire, à de mornes chronologies ou à des relations académiques. Le titre – Une certaine histoire des juifs du Maroc – est là pour dissiper d’éventuels malentendus. L’auteur n’hésite pas, bien souvent, à mettre l’accent sur ses expériences personnelles, à coiffer la casquette du journaliste qu’il n’a jamais cessé d’être et à prendre le ton polémique de l’hebdomadaire Marianne, dont il est le vice-président, pour retracer à sa façon le parcours du judaïsme marocain et « la rencontre d’une communauté multiséculaire avec la modernité » jusqu’à sa disparition quasi totale du royaume chérifien.

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Plus d’un protagoniste de l’Histoire, somme toute très contemporaine, qui se retrouvera épinglé dans ce livre aurait sans doute préféré le voir procéder à des recherches plus sereines. Mais à ceux qui déploraient, comme le dit un proverbe judéo-arabe, que les juifs marocains aient « gardé leur musique mais perdu leurs paroles », Robert Assaraf prouve qu’il en est encore qui savent écrire sans mâcher leurs mots !

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