Moubarak succède à Sadate

Publié le 12 octobre 2004 Lecture : 3 minutes.

Le Caire, 6 octobre 1981. Sur l’esplanade de Medinet-Nasr, le président égyptien Anouar el-Sadate, en grand uniforme de maréchal, assiste au premier rang de la tribune officielle à la parade militaire organisée à l’occasion du huitième anniversaire de la victorieuse traversée du canal de Suez. À ses côtés : Hosni Moubarak, son vice-président depuis 1975, les membres du gouvernement, les ambassadeurs accrédités au Caire et les attachés militaires. Le représentant d’Israël se tient un peu en retrait. Quant aux pays arabes, qui ont rompu leurs relations avec le « grand frère » égyptien depuis que celui-ci a conclu une paix séparée avec l’État hébreu, ils ne sont représentés que par le prince omanais Taymour et l’ambassadeur du Soudan.
Un peu après 13 heures, alors que le raïs observe les évolutions d’une escadrille de Mirage, un camion s’arrête. Six hommes en descendent et mitraillent la tribune. Sadate est mortellement touché, Moubarak et le général Abou Ghazala, ministre de la Défense, sont miraculeusement indemnes.

Quelques heures après le drame, le vice-président réunit le gouvernement, fait arrêter les coupables – des intégristes musulmans membres du Djihad islamique – et décrète l’état d’urgence (vingt-trois ans après, celui-ci est toujours en vigueur). Désigné le 10 octobre par les membres du Majlis al-Chaâb, le Parlement, à la présidence de la République arabe d’Égypte, Moubarak est plébiscité le 13 octobre par un vote populaire, conformément à la Constitution. Le lendemain, il prononce son discours d’investiture devant le Parlement.
Ce général de 53 ans a réussi à réorganiser l’aviation égyptienne après la défaite de juin 1967. Il a la haute main sur les services de la présidence, dirigeait souvent, du vivant de Sadate, le Conseil des ministres et assurait la vice-présidence du Parti national démocratique (PND) au pouvoir. Connaissant à fond les dossiers de politique intérieure et les hommes qui en ont la charge, il a parallèlement toujours été associé à la conduite de la politique étrangère. Proaméricain notoire, il entretient de bonnes relations avec les dirigeants soviétiques, arabes et israéliens. Bref, Moubarak apparaît comme le successeur naturel du Batal al-Oubour, le « Héros de la traversée » [du canal de Suez].
Massif et énergique, il sait se montrer, à l’occasion, chaleureux et plein d’humour. Dans un premier temps, il parvient à conduire une transition en douceur, louvoyant habilement entre changement et continuité. Ses premières années au pouvoir sont jalonnées de succès : retour de l’Égypte dans le giron arabe, reprise économique, récupération du Sinaï, éradication des mouvements islamistes radicaux, etc. Au fil du temps, pourtant, cet état de grâce initial va laisser la place aux plus amères désillusions.
Plébiscité à quatre reprises à la tête de l’État (en 1981, 1987, 1993 et 1999), Moubarak, dont le pouvoir est sans partage, a été victime d’autant de tentatives d’assassinat. Ce qui ne l’empêchera pas de briguer un cinquième mandat de six ans, en 2005. Mais sa santé s’étant sérieusement altérée – il a quand même 76 ans -, nombre de ses compatriotes le soupçonnent de vouloir introniser Gamal (42 ans), son fils cadet. Prospère homme d’affaires, celui-ci a été l’initiateur des réformes économiques en cours et demeure le patron incontesté du PND.

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Face à un régime sur le déclin qu’ils jugent sclérosé, incompétent, corrompu et, plus grave encore, responsable du recul de leur pays sur la scène internationale, les 72 millions d’Égyptiens ont aujourd’hui quelques raisons d’appréhender l’avenir. La crise économique n’arrange pas les choses. Et le refus têtu du raïs, alors que la Constitution lui en fait l’obligation, de désigner un vice-président appelé à lui succéder en cas de vacance du pouvoir, pas davantage. On peut d’ailleurs s’interroger sur les raisons d’une telle obstination. Superstition ? Volonté de ne pas attiser les appétits d’un rival potentiel ? Un peu des deux, sans doute.

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