L’Internet met le turbo

Le WiMax va-t-il permettre une généralisation de l’informatique nomade comme les réseaux cellulaires GSM ont démocratisé l’usage du téléphone mobile dans le monde ?

Publié le 12 octobre 2004 Lecture : 7 minutes.

Apparue il y a quelques années dans les pays industrialisés, la technologie ADSL (voir tableau page suivante) permet aujourd’hui à certains internautes africains de surfer sur Internet jusqu’à 250 fois plus vite qu’il y a encore un an, les autorisant à recevoir des vidéos, des images et du son sur leur ordinateur. Avec le WiFi (Wireless Fidelity) ou encore l’UMTS (Universal Mobile Telecommunication System), l’ADSL participe à l’avènement des liaisons à haut débit auprès des entreprises ou des particuliers. Pour prendre un point de comparaison, à l’origine d’Internet, ces derniers accédaient au réseau informatique mondial par la ligne téléphonique traditionnelle, au moyen d’un modem autorisant, dans le meilleur des cas, une vitesse de transmission (débit) de 56 kilobits par seconde (kbits/s). Avec un débit pouvant atteindre 15 mégabits/seconde (Mbits/s), l’ADSL peut être 250 fois plus rapide, donc transmettre 250 fois plus d’informations dans le même laps de temps.
Grâce à un câble à fibre optique sous-marin mis en service il y a deux ans, tout l’ouest du continent africain est techniquement raccordé à l’ADSL. Au Bénin, la capacité totale disponible pour transmettre des signaux (bande passante) a bondi de 2 Mbits/s à 47 Mbits/s. Idem pour le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Ghana et le Togo. Dans ces pays, les opérateurs de téléphonie fixe déploient depuis le début de l’année un réseau ADSL. Le Sénégal a été l’un des premiers à franchir le pas : « Nous comptons déployer l’ADSL dans toute l’Afrique de l’Ouest à partir de cette année », affirme Alassane Diene, cadre de la Sonatel, la Société nationale des télécommunications du Sénégal, principal opérateur du pays. L’Afrique du Nord n’est pas en reste, qui est reliée à l’Europe et à l’Asie par d’autres liaisons sous-marines. Maroc Télécom, par exemple, espère bien convertir à l’ADSL ses 5,2 millions d’abonnés au téléphone. L’opérateur a commencé à installer cette technologie sur tout le territoire. En juillet dernier, il a lancé une offre commerciale comprenant un ordinateur et un accès ADSL pour 6 000 dirhams (550 euros). Le premier prix pour un forfait illimité ADSL est d’environ 25 euros par mois, pour un débit de 128 kbits/s.
Version sans fil de l’Internet à haut débit, le WiFi suscite également un grand intérêt. Cette technologie répond à une norme mondiale, ce qui lui confère l’avantage d’être universelle. Auparavant, les liaisons radio utilisées pour la transmission de données étaient réservées aux grandes entreprises ou administrations, un peu comme un talkie-walkie fonctionne entre deux ou trois personnes qui ont toutes le même appareil. En comparaison, le WiFi apporte autant de liberté que le téléphone cellulaire. Et son avènement a considérablement fait baisser le prix de l’Internet sans fil. Les milieux associatifs ont été les premiers à s’en emparer pour partager à moindres frais dans une communauté un abonnement à Internet. Il suffisait de bricoler une boîte de biscuits métallique pour faire une antenne d’émission ou de réception et de télécharger les logiciels nécessaires disponibles gratuitement sur Internet. Depuis, le WiFi s’est professionnalisé. Antenne émettrice ou réceptrice, répartiteur du signal et même ordinateurs portables prééquipés se trouvent dans le commerce et, concurrence aidant, les prix ont baissé. En outre, sont apparus les « hot spots ». Ces lieux publics, de type café, gare ou aéroport, école ou université, équipés d’une ou de plusieurs bornes d’émission WiFi, se sont multipliés dans les pays riches, proposant, gratuitement ou contre rémunération, l’accès à Internet à leurs visiteurs ou usagers.
En Afrique, le nombre de hot spots demeure encore limité, mais le continent n’est pas à l’écart pour autant. Pays hôte, en novembre 2005, du Sommet mondial sur la société de l’information, la Tunisie a d’ores et déjà commencé l’installation de deux hot spots pour cette importante occasion. Situés à l’aéroport et dans le parc d’exposition du Kram, à Tunis, ils seront opérationnels au premier semestre de l’année prochaine. Ailleurs sur le continent, Antoine Perrault, ingénieur système chez Cisco et responsable de la zone subsaharienne, constate que le WiFi se répand : « Au sein d’une entreprise ou à la maison, il est utilisé comme réseau interne et pour partager un accès à Internet. C’est un réseau facile à déployer, qui peut faire transiter aussi bien les données informatiques que la voix. Le WiFi peut aussi être utilisé avec succès pour apporter Internet dans les villages, en combinaison avec un accès par satellite. » Car la technologie WiFi ne s’utilise qu’en local ; il faut ensuite relier le réseau intérieur vers l’extérieur.
La solution la plus classique consiste à se connecter par le téléphone fixe traditionnel, avec un modem à 56 kbits/s, ou en haut débit ADSL. L’ADSL utilise aussi le fil téléphonique, mais en utilisant des fréquences qui n’interfèrent pas avec la liaison téléphonique. Il est donc possible de téléphoner en parallèle. Mais ces solutions ne sont pas adaptées dans des régions non desservies par une ligne téléphonique, lesquelles restent nombreuses en Afrique. À moins de développer des liaisons par satellite, parfois anarchiques et souvent coûteuses. Mais c’est la solution qui reste la plus rapide à installer en tout lieu.
Cependant, fort de son expérience sur le terrain, Antoine Perrault note une forte évolution : « Il y a cinq ans, en Afrique, l’ADSL était embryonnaire. Ces dernières années, beaucoup d’investissements ont été faits sur les liaisons à fibre optique et l’ADSL. Il existe une vraie complémentarité qui se renforce avec le satellite. Par exemple, à Addis-Abeba, en Éthiopie, nous avons installé des équipements qui permettent aussi de téléphoner via Internet. Dans le reste du pays, une combinaison de liaisons VSAT par satellite et de WiFi a été mise en place pour relayer les signaux. » À terme, l’objectif du gouvernement éthiopien est de relier à ce réseau national six cents relais gouvernementaux et plus de quatre cent cinquante écoles. Ailleurs sur le continent, de nouveaux marchés apparaissent pour favoriser l’utilisation d’Internet à haut débit et de l’ADSL. C’est notamment le cas des centres d’appels. Au Sénégal, la société PCCI utilise pour téléphoner le réseau Internet à haut débit mis en place par France Télécom entre Paris et Dakar, à des tarifs sensiblement inférieurs à ceux de la téléphonie ordinaire.
Mais ces succès récents de l’ADSL et du WiFi ne doivent pas occulter l’évolution rapide mais plus discrète des autres technologies. La Boucle Locale Radio (BLR) reste la solution la plus populaire en Afrique. Chez le client, une petite antenne est placée sur le toit de l’immeuble ou sur un balcon exposé dans la bonne direction, lui permettant l’accès à Internet. Si rien n’empêche d’utiliser des équipements WiFi, en pratique, un grand nombre de fournisseurs préfèrent utiliser du matériel de type Cisco ou Alvarion, qui autorisent un plus haut débit, sont mieux sécurisés et bénéficient d’un suivi professionnel. La grande nouveauté dans ce domaine est l’arrivée prochaine du format WiMax, une norme mondiale, dans l’esprit du WiFi. Intel, le numéro un mondial des microprocesseurs, est un fervent partisan de cette nouvelle technologie et de ses performances en matière de transmission. Le géant américain a développé une puce spécifique, la Centrino WiMax, qui devrait autoriser la commercialisation d’ordinateurs WiMax dès 2006.
L’avènement de ce nouveau standard devrait encore faire baisser le coût des équipements, rendant réaliste la couverture d’une région entière avec des stations WiMax, pour de vraies applications de mobilité. Toutes proportions gardées, on peut espérer une généralisation de l’informatique nomade comme les réseaux cellulaires GSM ont démocratisé l’usage du téléphone. C’est en tout cas l’espoir d’Intel, et des nombreux constructeurs qui lui emboîtent le pas, dont Cisco ou Alcatel, qui ont annoncé des bornes WiMax pour la fin de l’année prochaine. Deux équipementiers, Alvarion et Aperto, en commercialisent déjà. Garry Goldenberg, d’Alvarion, est enthousiaste : « Le WiMax va dynamiser les volumes, donc faire baisser les coûts. Il va permettre la connexion mobile, en passant de manière transparente d’une zone à une autre. Nous avons sorti en juillet dernier un produit, le BreezeMAX 3500, qui va être déployé en fin d’année en Afrique. Il est compatible avec la première norme stabilisée de WiMax. Elle utilise la bande des 3,5 GHz qui, en Afrique, est réservée aux opérateurs et aux fournisseurs d’accès à Internet. C’est une vraie norme professionnelle. »
Pour Intel, WiMax est clairement le concurrent de l’UMTS, la norme de téléphonie mobile de troisième génération (3G). Le cabinet Forrester prévoit déjà qu’en 2008 seulement 21 % des utilisateurs auront un téléphone 3G, mais plus de 70 % un téléphone de génération intermédiaire (GPRS, voir tableau ci-contre). Avec WiMax, la 3G risque de prendre un retard supplémentaire : l’idée d’Intel est de couvrir un territoire avec des stations d’émission dont le coût serait dix fois moindre que celles de l’UMTS. Ce dernier, d’origine européenne, voulait ajouter l’accès à Internet à un téléphone mobile. WiMax, né aux États-Unis, prend le problème dans l’ordre inverse : il généralise l’accès mobile à Internet et permet en outre de téléphoner. Quoi qu’il en soit, la concurrence entre les deux systèmes aura du bon : les prix des équipements vont baisser et les opérateurs vont se livrer une nouvelle guerre sans merci pour conquérir de nouveaux clients. Tant mieux !

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