George Weah président ?

L’ancienne vedette du football se lancera-t-elle dans la course à la magistrature suprême prévue en octobre 2005 ? L’idée suscite déjà un vif engouement.

Publié le 12 octobre 2004 Lecture : 4 minutes.

Sans doute n’avait-on pas vu, depuis Pelé au milieu des années 1980, la possible candidature d’un ancien footballeur à une élection présidentielle alimenter à ce point les rêves de ses compatriotes. Certes le Libérien George Weah, 38 ans, n’est pas Pelé, et la Lone Star, la sélection nationale libérienne, n’est pas la Seleção brésilienne. Mais, à Monrovia, de nombreuses voix se sont élevées depuis la fin septembre pour réclamer l’entrée de l’ex-capitaine du onze national dans la course à la magistrature suprême du pays.
Le scrutin est prévu en octobre 2005, mais déjà résonnent les « Weah President ! », cri de ralliement des partisans de l’ancien avant-centre du Tonnerre de Yaoundé, de Monaco, du Paris-Saint-Germain et du Milan AC. Celui qu’un jour Nelson Mandela a qualifié de « fierté de l’Afrique » ne s’est pas encore clairement déclaré. Tout au plus s’est-il contenté de répondre : « Nous sommes tous libériens et avons le droit de faire ce que nous désirons. » Une réaction sibylline qui nourrit l’espoir de ses supporteurs de le voir rejoindre la cinquantaine de candidats déjà en lice.
Plusieurs associations, nées dans l’effervescence du retour à la paix après quatorze ans de guerre civile, se sont mobilisées pour l’encourager dans cette voie. Un groupe de jeunes citoyens dont le nom est à lui seul une profession de foi, « Redeem Liberia » (Sauver le Liberia) fait déjà campagne pour lui. « Après plusieurs années de guerre qui ont divisé le peuple, disent les animateurs de l’association, les Libériens ont besoin d’un véritable patriote, un humanitaire pour délivrer le pays. Et Weah est la seule personne capable de représenter « une force unificatrice » pour secourir le pays et réunifier son peuple. » De fait, nombreux sont les Libériens qui ont essayé d’apporter un peu de réconfort à leurs compatriotes durant les longues années de guerre. Mais rares sont ceux qui, comme « Mister George », y ont mis autant de constance et de détermination.
C’est en tout cas l’avis d’un autre groupe, le Weah Movement, qui disposerait d’un bureau sur la 14e Rue à Sinkor, le quartier résidentiel de la capitale. Il s’adresse aux innombrables déçus de la classe dirigeante – seigneurs de guerre, politiciens de modeste pointure et autres apprentis sorciers – qui a ruiné le pays. Un phénomène de rejet qui, avec la petite station de radio que possède Weah, King FM, demeure le principal atout des partisans de l’ancien footballeur, lequel a démontré sa capacité à s’impliquer dans les problèmes quotidiens de ses concitoyens.
King George a ainsi pris à sa charge les frais d’évacuation sanitaire aux États-Unis d’un de ses compatriotes qu’il n’avait jamais rencontré auparavant. Il a aussi pour habitude, de retour au pays pour les fêtes de fin d’année, de passer par la banque, de retirer des milliers de dollars libériens en coupures de 20 et 50. Et, raconte sa femme Clare – une Américaine d’origine jamaïquaine, ancienne employée de la Chase Manhattan Bank à New York -, de se tenir à l’entrée de sa maison pour jouer au Père Noël, sans autre explication que celle qu’il donne lui-même à quiconque s’en étonne : « Tout ce que j’ai, je le dois aux Libériens. Je ne fais que leur rendre ce qu’ils m’ont donné. »
L’enfant de Claratown, un quartier populaire de Monrovia, avait commencé par aider l’équipe nationale, qu’il a maintenue en vie depuis le début des hostilités, à la fin 1989, et dont il a financé les déplacements et l’équipement plus de deux années durant. Depuis le milieu des années 1990, il est aussi le bailleur de fonds d’une fondation à Monrovia qui a ressuscité le football national. Et il n’a jamais raté une occasion de fustiger l’enrôlement des enfants dans la guerre civile. Sa popularité et son franc-parler n’étaient pas du goût de Charles Taylor. Ses miliciens s’en prirent à sa famille et détruisirent sa maison. Le joueur riposta le 26 juillet 2002, en réunissant la crème du ballon rond libérien à Union, New Jersey, aux États-Unis. Sur la pelouse du Cooke Memorial Stadium, l’Invincible Eleven – autre appellation de la Lone Star – et le Mighty Barolle s’affrontèrent pour célébrer le 155e anniversaire de l’indépendance du Liberia.
Un pied de nez à Charles Taylor, chassé du pouvoir en août 2003 et réfugié au Nigeria, tandis que lui, l’exilé de New York – il y possède, entre autres, une vaste demeure et un fast-food -, pouvait rentrer au pays en janvier 2004. Celui qui, depuis 1997, est « ambassadeur de bonne volonté » de l’Unicef revenait au Liberia pour la première fois depuis deux ans. Il en profite pour participer à la campagne de la Mission des Nations unies au Liberia (Minul) pour le désarmement, la démobilisation et la réinsertion sociale des enfants-soldats, auprès de qui il s’est ainsi excusé : « Nous, adultes, sommes tout à fait désolés pour ce que nous vous avons fait. Nous vous avons transformés en petits soldats, en enfants des rues, […] en esclaves sexuels, et nous vous avons privés d’éducation et de soins… »
Pour cela et pour bien d’autres initiatives, Weah, après avoir reçu un hommage appuyé de l’acteur américain Denzel Washington, s’est vu décerner, en juillet dernier, par la chaîne sportive ESPN, le Arthur Ashe Courage Award, lors d’une cérémonie organisée aux États-Unis.
Aujourd’hui, Weah, selon l’agence catholique italienne Misna, préparerait les statuts d’un nouveau parti politique, le Congrès national du Liberia… Pour se lancer dans la course à Executive Mansion, le palais présidentiel ?

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