« Fitna » à Francfort

Publié le 11 octobre 2004 Lecture : 2 minutes.

Un spectre semble hanter les Arabes : celui de la fitna, la « grande discorde » – référence à la scission qui donna naissance au chiisme. Cette fois-ci, ils l’ont déplacée en Allemagne dans le cadre de la Foire internationale du livre de Francfort, qui s’est tenue du 6 au 10 octobre.
Expression la plus spectaculaire de cette nouvelle dispute, le refus des Marocains d’exposer sous l’enseigne de la Ligue arabe. Au départ, des raisons financières ont été évoquées par Rabat, qui jugeait exorbitante la participation de 250 000 dollars demandée par l’organisation. Bien que la contribution ait été ramenée à 70 000 dollars, les Marocains ont choisi de faire cavalier seul afin de donner plus de visibilité à leur production éditoriale.
Tout le monde avait applaudi, en 2003, lorsque les organisateurs de la « Buchmesse », le grand rendez-vous mondial de l’édition, avaient décidé, en pleine guerre d’Irak, de faire de l’ensemble du monde arabe leur invité d’honneur en 2004. Francfort, avec quelque 6 600 exposants et 300 000 visiteurs attendus, était une occasion unique de battre en brèche quelques préjugés ancrés dans les esprits occidentaux. Sans compter que la littérature de la région a bien besoin de se faire connaître : sur 50 000 ouvrages traduits en Allemagne, il n’y en a guère que 250 venant de l’arabe. Or la Foire de Francfort, c’est avant tout un immense marché d’achats et de ventes de droits.
Maître d’oeuvre de l’opération, la Ligue arabe avait entrepris de réunir ses vingt-deux pays membres sous la même bannière. Tâche pour le moins ardue quand on connaît les rivalités au sein de l’organisation. Celles-ci se traduiront rapidement par le refus du Koweït et de la Libye de s’associer à l’entreprise. Des voix contestataires se sont aussi fait entendre du côté des écrivains. Le romancier égyptien Gamal al-Ghitani a ainsi dénoncé l’intrusion d’une institution politique dans le champ des lettres. Celle-ci, selon eux, ne pouvait que privilégier la « littérature officielle » et exclure les auteurs à contre-courant. De fait, c’est aux gouvernements qu’est revenu le soin de choisir leurs représentants. On comprend dès lors pourquoi, par exemple, la sélection égyptienne a « oublié » un romancier comme Sonallah Ibrahim ou une figure intellectuelle du calibre d’Anouar Abdel Malek.

La direction de la Foire a essayé de corriger le tir en envoyant des invitations à une cinquantaine d’écrivains à titre individuel, mais le ver était dans le fruit. Dans le hall d’honneur, un architecte égyptien avait installé des panneaux figurant les caractères de l’alphabet arabe. « C’est la seule chose qui nous unit », lâchait-il, résigné.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires