De Shakespeare à Jack l’Éventreur

55 000 notices, plus de 61 000 pages… Des grands héros aux pires criminels, le « Dictionary of National Biography » n’oublie aucune célébrité britannique.

Publié le 12 octobre 2004 Lecture : 3 minutes.

La reine Victoria, bien sûr ; Shakespeare aussi, cela va de soi. Mais également Jack l’Éventreur, l’un des plus fameux serial killers de tous les temps, ou encore Freddie Mercury, le flamboyant chanteur du groupe de rock Queen, décédé en 1991. Les éditeurs de l’Oxford Dictionary of National Biography ne sont pas regardants sur le pedigree des personnages ayant, selon eux, marqué vingt-cinq siècles d’histoire britannique.
Leur monumental ouvrage, il est vrai, ne comporte pas moins de 55 000 notices, totalisant 61 440 pages et… 60 millions de mots. Près de 10 000 contributeurs ont été associés à l’entreprise. Ultime donnée chiffrée, et pas la moins négligeable : pour entrer en possession des 60 volumes, il en coûte 11 000 dollars ou 7 500 livres (6 500 « seulement », jusqu’au 30 novembre).
Cette publication, en réalité, si elle frappe par sa démesure, n’est pas une nouveauté. La première édition du DNB – c’est par ce sigle que les bibliothécaires désignent le dictionnaire – remonte à 1882. Son fondateur, Leslie Stephen, n’était autre que le père de l’écrivain Virginia Woolf. Au fil des décennies, l’ouvrage fut actualisé et complété pour aboutir au monstre d’aujourd’hui, qui apporte en outre une importante innovation : 10 000 notices, une sur cinq, sont accompagnées de portraits.
Encore les Britanniques, même s’ils poussent l’ampleur de ce type d’encyclopédie à son paroxysme, ne sont-ils ni les seuls ni les premiers à en éditer. Les initiateurs du DNB s’étaient inspirés de la Biographie universelle publiée en France au milieu du xviiie siècle. Et l’on compte aujourd’hui 14 publications comparables dans le monde, notamment aux États-Unis, en Australie, au Canada, en France, en Allemagne et dans les pays scandinaves. On le voit, il s’agit exclusivement de pays de culture occidentale. Comme le souligne le Financial Times (dans son édition du 25-26 septembre), les Japonais et les Indiens, pour ne citer que deux exemples asiatiques, n’attachent pas la même importance au rôle des individus dans l’Histoire.
L’intérêt des Européens pour les biographies remonte à très loin. Le Financial Times évoque les Confessions de saint Augustin. On pourrait ajouter les Vies parallèles de Plutarque. Du Moyen Âge jusqu’à l’époque moderne, les livres sur la vie des saints ont eu un écho considérable. Ces hagiographies étaient au coeur de la pratique religieuse. À partir du xviie siècle, le genre s’étendra aux grandes figures de la vie publique, des arts à la politique en passant par les sciences et la littérature.
C’est pourtant chez les Arabes, dès le xe siècle de l’ère chrétienne, qu’étaient apparus les premiers « véritables » dictionnaires biographiques : le Kitab al-tabaqat al-kabir – en huit volumes déjà -, consacré à la vie de religieux, le Tabaqat fuhul al-shu’ara’, à celle de poètes.
L’édition 2004 du DNB ne s’ouvre pas seulement aux chanteurs et aux criminels. Les femmes y trouvent une place nettement accrue : 3 000 d’entre elles font une première apparition. Et si l’ouvrage garde pour objectif de « faire entrer les Britanniques, grands et petits, au panthéon de l’humanité », il inclut quantité d’Américains, y compris des personnalités ayant vécu après l’indépendance des États-Unis. Ne sont pas oubliés non plus des étrangers qui se sont distingués par leur observation de la société britannique. À commencer par un certain Karl Marx…
Le dictionnaire d’Oxford s’est quand même fixé une limite : seules sont retenues les personnes décédées (avant 2000 dans le cas de cette édition). Ou, à l’instar de Robin des Bois, les figures légendaires, qui, elles, restent vivantes à jamais.

* The Oxford Dictionary of National Biography, édité par H. C. G Matthew et Brian Harrison, Oxford University Press, 61 440 pp., 7 500 livres (6 500 jusqu’au 30 novembre).

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