Écrire, dit-elle

Dans ce premier roman autobiographique, l’écrivain français Yasmine Ghata raconte la passion de sa grand-mère turque pour la calligraphie.

Publié le 12 octobre 2004 Lecture : 2 minutes.

« Je me suis éteinte le 26 avril 1986, à l’âge de 83 ans. » Ainsi commence La Nuit des calligraphes, premier roman de l’écrivain français Yasmine Ghata, née en 1975. Nous sommes donc prévenus, c’est une voix d’outre-tombe qui nous parle, mais une voix apaisée. Celle de Rikkat Kunt, une calligraphe ottomane célèbre pour avoir modernisé cet art traditionnel et qui a non seulement succombé à une vocation typiquement masculine, mais aussi à un métier menacé de disparition à l’époque. On est en 1928 et, cette année-là, en décrétant l’abandon de l’alphabet arabe au profit des lettres latines « séparées et trapues », Atatürk signe aussi l’arrêt de mort de la calligraphie et des calligraphes. Et c’est à ce moment que Rikkat, jeune fille trop vite mariée au seul « dentiste de la rive asiatique du Bosphore », devient l’assistante des dépositaires de cet art jeté au rebut du jour au lendemain.
Dans un atelier que l’on imagine semblable à un hospice, elle prendra soin des vieux calligraphes. Elle préparera leurs instruments, leurs papiers et, à la fin de la journée, elle détruira leurs travaux sans y jeter un oeil. À la mort du plus virtuose d’entre eux, elle découvre un petit paquet à son intention. Sélim s’est pendu, mais lui a laissé un précieux héritage : son écritoire et de l’encre dorée. Dès lors, plus rien n’empêchera Rikkat de s’abandonner à sa passion même s’il lui faudra lui sacrifier sa vie d’épouse et de mère. Il ne lui restera au bout du compte que la calligraphie, et Sélim continuera depuis l’au-delà à lui rendre de fréquentes visites, car les « ouvriers de l’écriture » ne meurent jamais. « Leur âme vagabonde aux frontières du monde habité. »
Rikkat Kunt n’est donc pas morte ! La preuve par ce livre « autobiographique » qu’elle a soufflé et inspiré à sa propre petite-fille, la jeune Yasmina Ghata. Le 30 mars 2000, lors d’une visite au Louvre, dans l’aile Richelieu, le regard de l’auteur, experte en histoire de l’art islamique, tombe sur un poème ottoman dont la calligraphie en lettres d’or était signée du nom de sa grand-mère paternelle. C’est de cette fortuite rencontre qu’est né ce troublant et beau roman.

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