Rachel Khan : « Reproduire des haines et des ressentiments ne me convient pas »

Dans un essai mordant, « Racée », cette juriste et militante décortique le prêt-à-penser des « identitaires » à qui elle oppose des mots pour se réconcilier avec soi-même et les autres.

L’actrice Rachel Khan, le 19 février 2021. © Celine NIESZAWER/Leextra via Leemage

L’actrice Rachel Khan, le 19 février 2021. © Celine NIESZAWER/Leextra via Leemage

leo_pajon

Publié le 18 avril 2021 Lecture : 8 minutes.

Le 16 mai 2018, Rachel Khan faisait une apparition remarquée au Festival de Cannes. L’ancienne championne de France de 4×100 mètres s’offrait une pose, athlétique silhouette en combinaison noire sur les marches rouges du festival. Mais elle était alors entourée de quinze autres femmes, actrices, comme elle, avec lesquelles elle avait cosigné l’essai Noire n’est pas mon métier (éd. du Seuil), dénonçant les stéréotypes dont les femmes noires et métisses sont victimes dans le cinéma français. Le collectif rassemblant Aïssa Maïga, Nadège Beausson-Diagne ou encore Sonia Rolland est alors soudé. Les comédiennes s’offrent une danse, hilares et rayonnantes, tandis que résonne le tube Diamonds de Rihanna, avant de lever le poing en l’air.

Le 10 mars 2021, c’est seule que Rachel Khan apparaît sur la couverture de son livre Racée (éd. de l’Observatoire). Ancienne athlète et danseuse hip-hop, mais aussi actrice, donc (notamment dans Jeune et Jolie, de François Ozon), juriste, auteure, nouvelle présidente de la commission Jeunesse et Sport de la Licra, cette stakhanoviste s’est toujours sentie à l’étroit dans les cases qu’on a voulu lui assigner. La case « noire », comme les autres.

Universaliste, laïque, binationale, celle qui se définit sourire en coin comme une « Afro-Yiddish tourangelle », née à Tours d’un père gambien et d’une mère française d’origine juive polonaise, fait entendre dans Racée une voix singulière. Contre les réunions non mixtes, jugeant l’intersectionnalité non pertinente, refusant la mise en scène de la « douleur de peau », elle prend ses distances avec la radicalisation des afroféministes occidentales.

Jeune Afrique : Quand et comment est né ce livre ?

Rachel Khan : Dès septembre 2018, quelques mois seulement après la montée des marches, les réunions avec les autres auteures de Noire n’est pas mon métier me saoulaient déjà… Le fait d’y être désignée comme « afro-descendante », qu’on passe plus de temps à se plaindre qu’à travailler, ne me convenait pas. J’avais besoin de faire le point et de détricoter des concepts qu’on emploie constamment, prêts à consommer, et qui me semblaient très étriqués.

On m’a traitée de « bounty », de « négresse de maison »

Il y a des mots qui divisent, comme « racisé », des mots qui mentent, comme « diversité », et, derrière, un militantisme plein de colère, d’une nécessité de vengeance, qui finalement nous réduit. Je me bats depuis 20 ans contre les discriminations, je suis bien placée pour savoir que les enfants d’immigrés s’intègrent difficilement à la société française, mais reproduire des haines et des ressentiments ne me convient pas.

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Était-ce compliqué d’écrire Racée ? Vous n’avez pas eu peur d’être perçue comme une traître à la cause ?

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