Thérapie de groupes
L’enrayement de la pandémie est devenu l’une des priorités des chefs d’entreprise dans les pays en développement.
La 16e Conférence internationale sur le sida, qui s’est tenue du 13 au 18 août à Toronto, au Canada, a montré que la lutte contre le VIH n’était plus l’apanage des seules associations et organisations internationales. À travers l’un de leurs plus illustres représentants, Bill Gates, le patron du géant informatique américain Microsoft, les chefs d’entreprise ont apporté la preuve que l’enrayement de la pandémie était devenu l’une de leurs priorités dans les pays en développement.
Absentéisme, turn-over ou décès prématurés : en sus du drame humanitaire qu’il représente – en 2005, il touchait 24,5 millions de personnes en Afrique subsaharienne et en a tué 2 millions (enquête Onusida 2006) -, le sida constitue pour les patrons un véritable désastre économique. Selon la dernière enquête statistique d’envergure réalisée sur le sujet par l’Organisation internationale du travail (OIT), le manque à gagner imputable au VIH sur le taux de croissance subsaharien entre 1992 et 2002 serait ainsi de 1,1 % par an. De son côté, l’ONU indique que les effets cumulés de l’absentéisme, de la baisse de la productivité, de la hausse des dépenses de santé et des frais d’embauche et de formation régulièrement consentis réduiraient les profits des entreprises d’au moins 6 % à 8 %. Avant de préciser que la main-d’uvre disponible sur la planète pourrait baisser de 12 % d’ici à 2015 à cause du sida…
Rien de surprenant, donc, à ce que les patrons aient décidé de passer à l’action. Tout a commencé en 2001 avec la création, aux États-Unis, de Global Business Coalition on HIV/AIDS (GBC), aujourd’hui présidée par l’ex-ambassadeur des États-Unis à l’ONU, Richard Holbrooke. Elle fut suivie, en France cette fois, par la naissance, en 2003, de l’association Sida-Entreprises. Ces deux structures regroupent quelque 230 sociétés dont l’objectif est de lutter contre le sida dans les pays émergents. Reconnue d’utilité publique, leur action a reçu la bénédiction de l’Agence française de développement (AFD), qui leur a accordé, le 16 juin, une subvention de 3 millions d’euros pour la mise en place d’un programme commun baptisé « Partenaires contre le sida ».
« Ces initiatives ne sont pas des uvres humanitaires », affirme Alain Viry, président de Sida-Entreprises et de CFAO, une filiale du groupe PPR (ex-Pinault-Printemps-Redoute) spécialisée dans la distribution automobile, informatique et pharmaceutique en Afrique. « Pour les multinationales installées sur le continent, il s’agit, avant tout, d’une nécessité économique. » Là plus qu’ailleurs, en effet, le monde professionnel reste un espace de contamination. Souvent spécialisées dans l’exploitation de matières premières, les entreprises africaines ont recours à des escadrons de main-d’uvre saisonnière plus exposés à la maladie. Simultanément, les infrastructures de santé dans leurs zones d’implantation sont rares, les activités de récolte ou d’extraction se déroulant, la plupart du temps, en brousse ou dans des zones semi-arides isolées.
Préservatif glissé dans la feuille de paie, dépistage, financement des médicaments antirétroviraux (ARV) les employeurs acquièrent du coup un rôle crucial en matière de prévention et d’accompagnement. D’autant que la baisse du coût des traitements leur permet d’en faire profiter non seulement leurs salariés, mais aussi leurs familles et, bien souvent, leur communauté.
Reste que ce dispositif est loin de toucher toutes les populations : seuls les volontaires bénéficient des soins et de la prévention. Rien ne dit, non plus, que les entreprises auront la volonté de poursuivre leurs efforts indéfiniment. « On remplace souvent un système de santé national déficient », précise ainsi Philippe de Couët, secrétaire général de la Société d’outre-mer pour le développement de l’industrie agroalimentaire (Somdiaa), maison mère de cinq filiales implantées au Cameroun, au Congo-Brazza, au Tchad et au Gabon. « À terme, nos actions doivent s’inscrire dans un partenariat avec l’État nigérien, car Areva n’a pas vocation à s’y substituer », renchérit Jacques-Emmanuel Saulnier, porte-parole du groupe français spécialisé dans la production d’énergie nucléaire. Principal actionnaire des deux sociétés locales qui exploitent l’uranium de la région d’Arlit, la Somaïr et la Cominak, Areva finance un programme de prévention et d’accès aux ARV en partenariat avec la Croix-Rouge française et le Centre de traitement ambulatoire de Niamey. Un investissement non négligeable pour la société, car le sida est loin d’être la seule maladie à faire des ravages dans la région. Le paludisme, lui aussi, reste un fléau dévastateur.
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