Pour ou contre les OGM ?

Publié le 11 septembre 2006 Lecture : 6 minutes.

L’auriez-vous cru ? Depuis des siècles on crée des OGM (organismes génétiquement modifiés). Les paysans et les agronomes sélectionnaient des plantes ou des animaux, les croisaient, observaient les résultats et créaient des organismes ayant telle qualité ou tel aspect : plante résistante à telle maladie, chien chasseur ou gardien de troupeaux, etc. Cette sélection prenait des décennies, voire des siècles. Aujourd’hui, on sait accélérer le processus en intervenant directement sur les gènes : c’est la génétique.

Petit rappel. Notre corps est constitué de milliards de cellules dont chacune contient notre patrimoine dans les chromosomes. Ceux-ci sont constitués notamment de chaînes d’ADN (acide désoxyribonucléique), dont certains composants constituent les gènes. Ces gènes contrôlent la synthèse des protéines constitutives de notre corps et ont une fonction précise, parfois vitale. Modifier les gènes (créer ainsi des transgènes), c’est modifier les protéines et les fonctions qui en dépendent, c’est créer un OGM. Quels peuvent être l’intérêt et les risques possibles liés aux OGM. Notre réponse ne sera qu’un schéma très simplificateur. Essayons, cependant, en évitant de tomber dans la guerre des intégristes « pour » ou « contre ».

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Les OGM alimentaires
Les OGM ont un avantage quantitatif : on peut augmenter les rendements en créant des plantes OGM résistantes aux prédateurs (insectes, champignons et autres) et aux herbicides. Les OGM ont aussi un avantage qualitatif : par exemple, on peut enrichir le riz en fer et en vitamine A, augmenter le contenu en protéines de la pomme de terre ou celui de l’huile de soja en acide oléique et en antioxydant. On peut aussi, dans la fabrication de produits « allégés », réduire l’hydrogénation des acides gras trans qui sont aussi nocifs que le beurre.
Pour les cultivateurs, les avantages immédiats sont l’augmentation des rendements et la réduction des coûts liés à l’emploi de pesticides, herbicides ou insecticides. Bref, une augmentation des revenus. Le risque à long terme est la dépendance à l’égard de quelques grandes sociétés multinationales produisant les OGM, fournissant des semences et, surtout, interdisant de ressemer, l’année suivante, une partie de leur récolte.

Les OGM présentent des risques à ne pas négliger. Risque d’accumulation dans la plante de produits pesticides auxquels la plante est devenue résistante, mais non le consommateur éventuel. Risque de résistance à certains antibiotiques utilisés pour produire un transgène (on y a renoncé depuis 2005). Risque que la protéine OGM ait des actions inattendues, notamment allergènes. Risque qu’elle puisse devenir toxique, ce qui a été envisagé pour le sang (avec du maïs) ou le foie (avec du soja). Un autre risque est la contamination possible des plantes conventionnelles alentour si elles sont sexuellement compatibles (flux de pollens). D’où les craintes des paysans censés produire « sans OGM » alors que 0,9 % sont légalement autorisés : c’est comme la bière sans alcool qui peut en contenir jusqu’à 2 % !

En Afrique, les avantages liés à de meilleurs rendements semblent une solution à des problèmes de pauvreté et d’insuffisance alimentaire. Des cultures OGM (maïs) ont été développées en Afrique du Sud, des expérimentations ont lieu au Mali et sont en discussion au Burkina Faso. D’autre part, les aides alimentaires provenant d’Amérique du Nord ou du Sud sont souvent des produits OGM. Généralement acceptées, elles ont cependant été refusées par le Zimbabwe.
Quoi qu’il en soit, près de 100 millions d’hectares sont actuellement plantés en OGM (surtout soja, maïs, coton, colza) dans 21 pays par 10 millions d’agriculteurs. Restent 160 pays et 2 à 3 milliards de paysans. L’avenir dépendra du choix de grands pays comme la Chine, dont une dizaine d’OGM nationales (riz surtout) concurrencent ou dominent les américaines ; ou encore l’Inde (coton), le Brésil (soja), voire l’Iran (riz). L’avenir des OGM dépendra aussi des consommateurs, en particulier asiatiques et africains. Il dépendra aussi des Européens, dont l’accueil est nettement réticent.

Les OGM thérapeutiques
Ces OGM ont pour but la création de molécules dont la synthèse chimique est difficile. Jusqu’ici, certaines de ces molécules-médicaments ont été obtenues à partir d’hommes (voire de cadavres) ou d’animaux. Elles ont parfois entraîné la transmission de maladies mortelles, comme cela a été le cas avec l’hormone de croissance d’origine humaine ou les produits sanguins.
La production d’OGM-médicaments se fait actuellement en milieu confiné en laboratoire. Plus de 80 médicaments sont produits ainsi, comme l’insuline (contre le diabète), l’érythropoïétine (contre l’anémie), des facteurs de coagulation (contre l’hémophilie par exemple), des enzymes, des hormones, des anticorps, etc. Cette méthode présente un risque de contamination microbienne ou virale, en réalité bien maîtrisé, car il n’est pas propre à la fabrication d’OGM. Un autre risque est que la protéine produite à partir du transgène ne remplisse pas correctement sa fonction ou atteigne un autre organe que celui auquel elle est destinée ou encore se révèle antigénique. Ces risques relèvent des contrôles préalables appliqués à tout médicament avant qu’il obtienne une autorisation de mise sur le marché (AMM).
La production en « milieu ouvert » est maintenant envisagée, mais jusqu’ici aucun médicament n’a été produit de cette façon. La technique consiste à insérer le transgène dans une plante ou un animal chargés de produire le médicament, qu’on recueille par exemple dans les feuilles ou le lait. L’avantage de cette méthode serait de permettre une production de médicaments plus facile et plus abondante. Elle présente aussi un risque de contamination microbienne ou virale probablement accru par l’environnement de la plante ou de l’animal. On ne peut éliminer un risque lié à l’emploi de pesticides. Mais le risque propre au milieu ouvert est la dissémination possible de médicaments par les animaux ou les flux des pollens.

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Une autre utilisation des OGM-médicaments est de « réparer » un gène anormal responsable d’une maladie. Les transgènes obtenus en laboratoire sont transportés chez le malade sur un virus inoffensif. Des essais favorables ont été faits chez des « enfants-bulle » incapables de résister à la moindre infection. Demain, on traitera peut-être ainsi les myopathies ou la drépanocytose. Un risque est que le virus transporteur se révèle dangereux pour le malade, voire pour l’entourage.

Pour conclure, on peut faire quelques remarques. Il est normal et utile d’émettre des doutes et des réserves en présence d’une telle innovation technologique. Mais partisans et adversaires des OGM ne doivent pas être « intégristes ». Qu’on se souvienne des guerres d’idées déclenchées par le moteur à essence, l’électricité, les chemins de fer, les rayons X, l’énergie nucléaire… Les OGM à but thérapeutique sont plutôt bien accueillis sur le plan idéologique. Tant mieux, car ils peuvent permettre le traitement de maladies jusqu’ici incurables.
Les décisions européennes concernant les OGM ne doivent pas avoir pour effet de laisser aux Américains et aux Chinois aujourd’hui, demain peut-être à l’Inde ou au Brésil, le monopole de la recherche et de la commercialisation de produits dont nous pourrions devenir dépendants.

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Enfin, la vraie question est peut-être philosophique, « essentielle ». Certes, les chercheurs sont ingénieux : ils introduisent des gènes de poisson ou d’algues dans la tomate pour en augmenter les Oméga 3, ou des gènes d’araignée dans le coton pour avoir des fils plus résistants. Après-demain, des gènes d’antilope chez les athlètes ? Jusqu’où peut-on aller ? Les critères doivent-ils être scientifiques, éthiques, économiques, sociaux, moraux ? C’est une des grandes questions de ce début de siècle.

* Membre correspondant de l’Académie de médecine (France), doyen honoraire de la Faculté de médecine d’Abidjan.

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