Les « Frères » dans la tourmente

Vague d’arrestations dans les milieux islamistes. Coup de semonce ou guerre totale ?

Publié le 11 septembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Depuis l’arrestation, à la fin du mois d’août, de Mahmoud Ezzat, leur numéro deux, les Frères musulmans craignent le pire. Un peu plus tôt, les autorités du Caire avaient jeté en prison des dizaines des cadres de cette confrérie religieuse tolérée mais pas reconnue, qui, lors des législatives de l’automne dernier, est devenue la principale force d’opposition parlementaire au régime de Hosni Moubarak. « Le prétexte invoqué pour justifier la rafle – appartenance à une organisation illégale et participation à des activités non autorisées – peut être utilisé à tout moment pour neutraliser Mohamed Mehi Akef, le guide spirituel de la confrérie », estime-t-on dans l’entourage de celui-ci.
Au sein du pouvoir, la tentation d’en découdre avec le mouvement islamiste, qui compte 88 députés au Parlement (sur 454) et dispose d’une importante capacité de mobilisation de la rue, est en effet réelle. Parce que les « Frères » sont d’irréductibles opposants à la mise sur orbite de Gamal Moubarak, fils et dauphin présomptif du raïs. Leur principal mot d’ordre actuellement – « Non à la transmission héréditaire du pouvoir » – est, de ce point de vue, sans ambiguïté. Il a d’ailleurs été repris par les laïcs du mouvement Kefaya (« Ça suffit ! »).
Au Caire, certains sont convaincus que Gamal, promu en janvier à la vice-présidence du Parti national démocratique (PND) au pouvoir, est personnellement à l’origine de la vague d’arrestations en cours. En décembre 2005, il avait, en vain, proposé aux partis de l’opposition laïque de former avec le PND une « coalition républicaine » anti-islamiste. Puis tenté de diaboliser les « Frères » auprès de ses interlocuteurs américains. Sans plus de succès puisque les dirigeants islamistes s’entretiennent régulièrement avec des diplomates américains, même si Washington ne souhaite évidemment pas leur arrivée au pouvoir.
Contrairement, par exemple, aux islamistes turcs de l’AKP, les Frères musulmans égyptiens manifestent souvent une extrême rigidité. Leur position sur le conflit israélo-arabe, notamment, est totalement inacceptable par les États-Unis. Le 3 août, Mehdi Akef s’est déclaré prêt à dépêcher dix mille combattants au Liban pour prêter main-forte au Hezbollah face aux « agresseurs » israéliens. Il ne cesse de tresser des couronnes à Cheikh Hassan Nasrallah et de fustiger le « défaitisme » des dirigeants arabes. « Si ces derniers n’étaient pas musulmans, nous les aurions tués, car ils sont plus dangereux pour la communauté qu’Israël lui-même », martèle-t-il. Selon toute apparence, le clan présidentiel, au Caire, s’efforce de tirer profit de cette dérive verbale.
Pourtant, ces rodomontades n’abusent personne et Abdel Monem Aboul Foutouh, un poids lourd de l’organisation, s’est empressé, quelques jours plus tard, d’en atténuer l’effet : les propos d’Akef, a-t-il indiqué, étaient avant tout destinés à soutenir le moral des Libanais. Les services de sécurité égyptiens « savent fort bien que nous n’avons pas la capacité d’entraîner ou d’armer dix mille hommes » et, d’ailleurs, « nous sommes un mouvement pacifiste ».
Autre tentative de se racheter aux yeux de l’opinion : cinq députés des Frères musulmans ont pris part le 31 août aux funérailles de l’écrivain Naguib Mahfouz, bête noire de l’aile radicale des islamistes égyptiens. « Il s’agissait de montrer que la confrérie n’a rien à voir avec les djihadistes, qui, en 1994, tentèrent d’assassiner le Prix Nobel de littérature, affirme un commentateur cairote. C’était aussi l’occasion de redorer un blason quelque peu terni par la sortie intempestive du cheikh Akef. »
Va-t-on en rester là ? Même si certains responsables souhaitent manifestement pousser leur avantage le plus loin possible, d’autres, dans l’entourage de Moubarak, plaident pour l’apaisement. « Une approche exclusivement sécuritaire et répressive serait contre-productive », argumentent-ils.

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