L’Afrique desserre la vis

Selon un rapport de la Banque mondiale, le continent se conforme progressivement aux standards internationaux.

Publié le 11 septembre 2006 Lecture : 4 minutes.

L’Afrique est en train de se conformer aux standards internationaux en matière d’environnement des affaires. C’est en tout cas le constat dressé par la filiale de la Banque mondiale chargée du secteur privé, la Société financière internationale (SFI), dans son rapport annuel « Doing Business 2007 »*. Si l’Afrique du Sud reste le seul pays du continent figurant dans les trente économies les plus favorables aux entrepreneurs, les progrès des autres États africains sont réels. Deux tiers d’entre eux ont réalisé au moins une réforme facilitant la pratique des affaires. Certains d’entre eux sont même devenus de bons élèves : Ghana, Tanzanie, Maroc, Nigeria et Rwanda. Les principales mesures visent à favoriser la création d’entreprises, protéger les droits de propriété, alléger la fiscalité et assouplir les règles du commerce. Pas de quoi pavoiser cependant, car l’Afrique a accumulé de sérieux retards par rapport à d’autres régions. Tracasseries administratives, procédures en chaîne et dispositifs législatifs trop lourds, le chemin est encore long avant de rejoindre « le paradis économique », selon l’expression de Michael Klein, vice-président de la SFI. Entretien.

Jeune Afrique : Parmi les dix pays dans le monde qui ont entrepris le plus grand nombre de réformes en 2005-2006 figurent le Ghana et la Tanzanie. Quelles sont les principales mesures qu’ils ont prises ?
Michael Klein : En Tanzanie, le gouvernement a facilité la création d’entreprises ainsi que le transfert de propriété, fait voter une loi protégeant les actionnaires minoritaires et, enfin, favorisé le commerce extérieur. Les contrôles douaniers ont été informatisés et la surveillance du fret maritime a été modernisée. Au Ghana, les réformes portent sur la fiscalité, les titres de propriété et le commerce. Notre rapport ne préconise pas pour autant la suppression des réglementations ; nous demandons seulement qu’elles soient adaptées et le moins dissuasives possible.
Constatez-vous une réelle volonté politique d’aller encore plus loin ?
Oui. Car c’est la première fois que l’Afrique se retrouve en milieu de classement. C’est même la troisième région à avoir le plus réformé, après l’Europe de l’Est et les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Je rencontre régulièrement les ministres africains de l’Économie et des Finances. Au début, ils protestaient contre notre classement. Aujourd’hui, les dirigeants du continent ont compris que pour donner plus d’opportunités à leurs citoyens en matière de création d’entreprises et d’emplois, il fallait poursuivre la simplification des réglementations. Quelques chefs d’État utilisent même notre rapport pour évaluer le travail de leur ministre des Finances.
Seule l’Afrique du Sud figure parmi les trente pays où la pratique des affaires est le plus facilitée
Oui, mais à l’échelle du continent, les progrès sont rapides, et les réformes à la portée des gouvernements.
Les opérateurs économiques en Afrique se plaignent souvent d’une fiscalité trop lourde
Très peu d’entreprises s’acquittent de l’impôt en Afrique, mais pour celles qui le font, l’addition est plus lourde qu’ailleurs. Jusqu’à présent, la fiscalité n’a pas été la priorité des gouvernements. Sur les trois dernières années, les réformes ont surtout porté sur la création d’entreprises et le transfert de propriété. De la même manière, l’accès au crédit reste un handicap majeur. Seule l’île Maurice est en pointe.
Promotion du secteur privé, fiscalité plus souple, « Doing Business » 2007 consacre les idées libérales
Oui, dans un sens, car nos critères visent à faciliter la création d’entreprises, la concurrence et la flexibilité des marchés. Mais si on regarde notre classement, on retrouve en tête l’ensemble des pays scandinaves. Pour financer un haut niveau de protection sociale, ils ont collectivement décidé de soutenir leurs entreprises pour qu’elles puissent payer des impôts, créer de la richesse et des emplois.
Mais pour les pays du Sud, il est question de développement et non de protection sociale. En tout cas, pas dans l’immédiat
Dans « l’enfer économique », on retrouve systématiquement des pays avec de mauvais indicateurs « Doing Business ». Alors que ceux qui sont « au paradis » en ont de très bons. Pour les autres, certaines mesures peuvent insuffler un nouveau dynamisme. Regardez l’Inde, qui a abandonné l’économie administrée dans les années 1980 : elle connaît aujourd’hui une très forte croissance. Une fois que le secteur privé est encouragé, les investissements suivent.
Un pays qui suit vos recommandations peut-il espérer voir la pauvreté diminuer ?
Les règles que nous préconisons augmentent le nombre de personnes ayant accès à la sphère économique. À la clé, une augmentation des revenus. Cela passe par le soutien des productions locales et l’attraction des investisseurs étrangers. Par ailleurs, en Afrique, la plupart des gens travaillent dans l’informel. Or sans contrat de travail ni accès au crédit, ils ne peuvent améliorer leur sort. Nos réformes doivent leur permettre de rejoindre le secteur formel.
Utilisez-vous « Doing Business » lorsque vous accordez des prêts et fixez leurs taux d’intérêt ? En clair, les bons élèves sont-ils privilégiés ?
Non, la Banque mondiale propose des taux identiques à ses partenaires. Quant à la SFI, ses taux se rapprochent de ceux pratiqués par les banques commerciales. Nous nous fondons sur le risque-pays, même si on regarde aussi le « Doing Business ». C’est un point de repère.
Et non un moyen de pression ?
Établir un classement déclenche forcément un processus d’émulation. Mais les pays en tête, les plus riches de la planète, ne sont pas nos clients. Ils n’ont donc aucun intérêt à remplir nos indicateurs.
Dans les pays en développement, on constate que les financements SFI sont plus nombreux pour ceux qui sont les mieux classés
Tout simplement parce que nos indicateurs traduisent une réalité : un environnement favorable aux investissements. La plus belle surprise est le Rwanda, où les progrès sont extraordinaires. Mais nous reconnaissons que nos critères ne suffisent pas. D’autres aspects sont à prendre en compte : la politique macroéconomique, la stabilité des institutions, le niveau des infrastructures, l’éducation et la santé.

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* « Doing Business 2007 », www.doingbusiness.org.

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