Kabila en position de force
À la lumière des résultats des législatives, qui confirment le verdict du premier tour de la présidentielle, le chef de l’État sortant paraît bien placé pour se succéder à lui-même.
Le processus électoral en République démocratique du Congo (RDC) a franchi une étape supplémentaire. L’issue du scrutin législatif du 30 juillet a confirmé le verdict du premier tour de la présidentielle, organisée le même jour. Les 25 millions d’électeurs ont donc fait preuve de cohérence. Avec, à la clé, une bipolarisation de l’espace politique entre Joseph Kabila et Jean-Pierre Bemba, tous deux qualifiés pour le second tour de la présidentielle, prévu le 29 octobre, avec respectivement 44,8 % et 20 % des voix.
Selon les résultats provisoires, publiés le 7 septembre par la Commission électorale indépendante (CEI), le camp Kabila, réuni sous la bannière de l’Alliance pour la majorité présidentielle (AMP), est en tête avec plus de 200 sièges sur les 500 à pourvoir. La formation du chef de l’État sortant, le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), en obtient 111. Les « provinces pourvoyeuses », principalement dans l’Est et le Sud, sont les mêmes que celles où Joseph Kabila a fait le plein des voix : les deux Kivus, le Maniema, le Katanga et l’Orientale. Les autres membres de la coalition présidentielle, électoralement plus dispersés, mais moins puissants, font l’appoint, mais cela ne suffit pas. « Il nous manque seulement trente sièges pour obtenir la majorité absolue. Des contacts ont été noués et nous sommes optimistes », a affirmé André-Philippe Futa, le coordinateur de l’AMP.
En deuxième position arrive le Regroupement nationaliste congolais (Renaco), emmené par Jean-Pierre Bemba, dont le parti, le Mouvement de libération du Congo (MLC), a remporté 64 sièges. La plupart des députés élus sont issus des provinces de l’Ouest et du Nord, qui avaient justement placé aux avant-postes le vice-président sortant : l’Équateur, Kinshasa et le Bas-Congo. « L’ensemble du Renaco regroupe au moins 115 députés, et la majorité parlementaire va se constituer autour du prochain chef de l’État. Si Bemba l’emporte, les députés nous suivront », se persuade Moïse Musangana, du MLC. Avec 34 sièges, le Parti lumumbiste unifié (Palu), du vieil opposant Antoine Gizenga, confirme la médaille de bronze obtenue dans la course à la présidentielle et le très bon score dans la province du Bandundu. On retrouve donc aux premières places les partis qui ont le plus grand nombre de militants et qui ont véritablement fait campagne. Les équilibres sont respectés et les états-majors sont à pied d’uvre pour nouer les alliances. Car elles seules feront la différence. L’enjeu est de taille. Aux termes de la Constitution, le président élu nommera le Premier ministre « après consultation » au sein de la majorité parlementaire.
Le camp Kabila est en position de force. Au-delà de l’AMP, dont les frontières sont fluctuantes, le chef de l’État peut légitimement compter sur les députés indépendants, particulièrement nombreux et qui, pour beaucoup, sont de nouvelles figures. Inconnus au plan national, certains jouissent d’une bonne réputation dans leur région d’origine. Après six années de conflit et une laborieuse période de transition entamée en 2003, les électeurs ont opté pour un renouvellement de leurs représentants. En revanche, les nombreux partis politiques constitués à la dernière minute en sont pour leurs frais. Les parcours individuels, masqués derrière d’improbables programmes et de surprenants slogans, n’ont pas été cautionnés par le suffrage universel. « Si on rassemble ces députés indépendants, ils constituent la troisième force parlementaire, et beaucoup viennent de l’Est. Leur environnement devrait donc logiquement les faire basculer dans le camp présidentiel », estime Jean Paul Ilopi Bokanga, directeur d’antenne d’une radio indépendante. Si les intrigues du « mercato politique » sont nombreuses, si les politiciens « alimentaires » savent faire monter les enchères en fonction de leurs intérêts, les rapports de force obéissent, aussi et surtout, à des paramètres géographiques, voire claniques.
Pour le reste, le patriarche Gizenga s’affirme, une nouvelle fois, comme le « faiseur de roi », l’arbitre incontournable sans qui rien n’est possible. Celui qui fut vice-Premier ministre de Patrice Lumumba en 1960, avant de connaître l’exil, revient, à 81 ans, par la grande porte. Les 13,06 % qu’il a obtenus le 30 juillet valent leur pesant d’or dans la perspective du second tour de la présidentielle. De la même manière, ses 34 députés peuvent, à eux seuls, dessiner les contours de la prochaine majorité parlementaire. Prudent et soucieux d’obtenir le maximum, Gizenga fait montre d’une redoutable habileté. S’il a rencontré les deux « finalistes », aucune de ses déclarations ne permet, à ce jour, de déceler ses réelles intentions. Les rumeurs vont bon train et les pronostics le placent aux côtés de Kabila.
Derrière, les grands perdants de la présidentielle sauvent la face. Avec 15 députés, le vice-président Azarias Ruberwa, du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), parvient à faire oublier son petit 1,7 %. L’ex-gouverneur de la Banque centrale, Pierre Pay Pay, qui n’a remporté que 1,5 % des suffrages, peut s’appuyer sur une trentaine de parlementaires réunis au sein de la Coalition des démocrates congolais (Codeco). Quant au « fils », François-Joseph Nzanga Mobutu, de l’Union des démocrates congolais (Udemo), il confirme ses 4,7 % avec 9 députés.
Cette Assemblée « nouvelle version » entrera en fonctions, quoi qu’il arrive, le 22 septembre, puisque les éventuels recours auprès de la Cour suprême ne sont pas suspensifs. Les 500 députés de la IIIe République congolaise partageront le pouvoir législatif avec les sénateurs, désignés par les Assemblées provinciales, qui seront élues au suffrage universel le 29 octobre. En même temps que le chef de l’État. Le processus électoral congolais arrivera alors à son terme. D’ici là, la RD Congo devra éviter les derniers écueils et ne pas décevoir les espoirs d’une réconciliation soutenue à bout de bras par la communauté internationale. Contrairement au premier tour de la présidentielle, l’annonce des résultats des législatives n’a pas déclenché de violents affrontements à Kinshasa. C’est déjà ça.
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